Je suis née en son absence. J'ai dit mes premiers mots sans sa présence. J'ai fait mes premiers pas alors qu'il n'était pas là. Le monstre caché sous mon lit, j'ai dû le chasser toute seule. Les insultes j'ai dû les endurer sans réel bouclier. Mes armes, c'est par mes propres mains que je les ai forgées. Quand je tombais, personne ne me relevait. En face mon miroir, je le vois, et c'est bien les seules fois. Parce que jamais je ne l'ai vu devant l'école qui m'attendait pour me ramener à la maison. Jamais je n'ai soufflé mes bougies sous son regard bienveillant. Jamais je n'ai pu prononcer ce mot, devenu tabou pour mes lèvres. Ce mot si simple, qui veut dire tant, mais qui représente si peu pour moi et pour beaucoup d'autres personnes sur cette Terre. Car je ne suis pas la seule que l'on surnommait bâtarde à l'école. Je ne suis pas la seule à ne pas pouvoir remplir la case sur le bulletin d'informations qu'on doit rendre en début d'année scolaire. Je suis loin d'être la seule, malheureusement. Je ne suis pas la seule qui n'utilise pas ce mot là, papa.