Sous les arbres de cette sylve familière, ma plume vagabonde. Elle glisse sur les fibres du papier blanc immaculé.
Du bleu.
Un bleu sombre.
Le bleu qui coule dans mes veines : l'encre. Les arabesques s'enchaînent, elles virevoltent et soudain, elles volent. Dans un dernier mouvement, je repose mon outil et dessine les prochaines lignes.
Je rêve, j'imagine. Je m'arrête, lève la tête et ferme les yeux quelques instants. L'air frais de la forêt empli mes poumons et mon esprit se libère. Je pense à tout ce dont je peux penser.
J'imagine puis je vois.
Les scènes défilent devant mes yeux.
Je vois.
Berlin.
Un avion.
Une montre.
Des ailes.
Toutes ces images pénètrent dans mon esprit, mais se frayent un chemin vers mon âme. Elles se figent, se gravent dans ma tête, et les mots reprennent de plus belle. Sur le papier humide de la sylve, ils défilent au même rythme que le temps figé autour de moi.
Les pages s'accumulent, et me font rêver. Je les relie, les corrige, et les mets dans mon carnet.
Encore un autre monde.
Je vois mes amis au loin qui m'appellent et me somment de venir, mais je reste assise par terre, adossée contre un arbre. Les oiseaux chantent, j'écoute leur chant mélodieux. Ma sœur est là, près de moi. Grande écrivaine, elle me sourit tendrement, et entoure mes épaules d'un bras protecteur. Je pose ma tête au creux de son épaule, je ferme les yeux et esquisse un sourire. Ma chère et tendre sœur que j'aime...
Un vent léger se lève, paisible. Mes amis rient en se rapprochant de nous deux, hors du Temps. Tout se fige soudain. Plus d'oiseaux qui chantent. Mes compagnons se sont arrêtés dans leur marche avec la joie sur leur visage. Ma sœur et moi sommes les deux seules à pouvoir bouger. Elle me dit :
«Réveille-toi ! Tout de suite !»
J'ouvre les yeux, je suis à mon bureau, ma sœur est là. Je la rassure, et elle commence à lire une page qui traînait là. Puis deux puis trois...
Tout tourne autour de moi et je repars, inconsciente, dans la Forêt des Écrivains...