Minuit se couchait doucement sur le parchemin, une plume grattant doucement son histoire à la lueur sacrée d'une bougie. Minuit s'endormait, minuit se mourrait, jusqu'au prochain minuit. Nouveau minuit qui naîtra. Minuit vivait bien trop aux yeux des chouettes et des assassins, minuit était l'heure des somnambules et des insomniaques. Mais minuit était là, et minuit était un mirage.
Minuit était l'heure où l'on déterrait les cadavres.
La tâche était fastidieuse, longue. Tout autour d'eux, l'air se métamorphosait en une couverture glaciale, et le petit Adam continuait de forcer la tombe d'un monsieur respectable —notaire de profession ; mort de son état—. Cela faisait dix jours que l'on s'affairait à récupérer le corps : on avait commencé par le nettoyer, puis préparé la mise en terre avec une certaine application. L'enterrement, au plus grand plaisir des scientifiques, s'était fait rapidement, sans larmes, bien que, pour le moment, rien de cette histoire n'avait vraiment une grande importance, si ce n'était le souvenir des rayons du soleil qui auraient pu réchauffer ce mois d'octobre immense, ainsi le silence trônant en roi dans ce triste cimetière. Afin de rompre la monotonie, un homme tapi dans le noir alluma une cigarette. Le point rougeoya quelque seconde avant d'envahir l'espace d'un panache de fumée grise qui monta vers le ciel dégagé.
Sa silhouette, haute, tranchait en ombres chinoises entre les rameaux du vieil arbre où il s'était installé pour regarder faire son assistant. Même au plus mort, il portait l'impression que jamais cet endroit ne l'accueillerait, comme chassé par les esprits des défunts qui désiraient ostensiblement son départ. Le fait était compréhensible. Même le lierre l'insultait, lui qui était d'ordinaire si orgueilleux. Liam n'en prendrait compte pour le moins du monde.