Il y a des jours où j'ai l'impression que j'ai été conditionnée pour faire de la bonne façon. Je fais, c'est tout. Quand je regarde le monde autour de moi, je pense que ce n'est pas que moi. A la manière des vagues, les questions s'en vont et reviennent avec de plus en plus de force. La houle m'empêche d'y voir clair. Après tout, quand tu ne connais pas, tu ne peux pas juger.

Il ne m'a fallu qu'une semaine pour comprendre à quel point le monde est cruel de vouloir bien faire. Est-ce là une tragédie? .

Dans cet hostel, j'ai vu la vie et j'ai vu le travail. J'ai appris la simplicité et le bonheur que le quotidien empêche de voir. Comment préparer son avenir si on ne sait pas vivre? C'est ce problème qui revient sans cesse dans ma tête. Du haut de mes vingt-trois ans [29 ans], j'ai l'impression que l'expérience me manque. J'ai oublié de vivre pour moi. J'ai oublié de me connaître, j'ai oublié d'apprendre à me connaître, j'ai oublié de me faire belle. J'ai oublié de me regarder dans un miroir. J'ai oublié le temps.

Une phrase me vient en tête. Elle vient du Manifeste du Surréalisme d'André Breton. C'est une des seules citations que j'ai retenu de tous les livres que j'ai pu lire. "Mais où en est-on avec le temps" . J'ai trouvé un remplaçant au mercure qui rendait fou les chapeliers, c'est le 21 ème siècle.

Je ne sais pas où je vais, ni comment j'y vais. Mais maintenant, je me donne le temps. Tant pis pour cette année d'étude perdue, ou pour ce devoir rendu en retard. Tant pis pour ce train raté, et encore même pour ce coup de téléphone. Je laisse sonner comme je me laisse vivre.

Je suis loin du temps, loin de l'horloge de Greenwich en haut de cette colline. Je me laisse aller sur cet air de jazz, plaid sur mes genoux, tapotant le clavier pour vider ma tête. Je bannie le quotidien pour faire chaque seconde des pops qui m'emplissent de joie.