Le lecteur nocturne
Le soleil se reposait après son travail
Le ciel avait enfilé son autre chandail
Celui plus foncé, aux petits points lumineux
Celui que chérissent artistes, amoureux.
Le temps était aux rêveurs imaginatifs
Aux insomniaques créateurs compulsifs.
À tous ceux qui, le soir, s'inventent une vie
Regardant les étoiles du fond de leur lit.
Et si certains y trouvent l'inspiration
Pour écrire chansons, poèmes, fictions
Certains préfèrent voyager avec un livre
Car à lire ou à assembler les mots délivrent.
Lui - c'est un jeune homme - avait choisi le roman.
Depuis plusieurs nuits il était son amant,
Il passait chaque journées à le désirer
Et puis la nuit venue, s'y plongeait tout entier.
Mais ce soir là était le dernier, le décompte.
Plus que quelques chapitres avant qu'ils ne rompent.
Au fur et à mesure des pages qui tournent
S'effiloche le monde dans lequel séjournent
Les lecteurs attrapés dans les filets des mots
Prisonniers d'un dragon, d'un prince d'un choixpeau.
Et puis à la fin retentit le clap final,
Celui d'un livre qu'on referme. Puis le calme.
Le jeune homme repose le bouquin, respire
Ferme les yeux, les rouvre et observe et soupire
Une nostalgie le prend : celle d'une vie
Vécue si intensément juste quelques nuits.
Bien sûr que les personnages le hanteront
Encore quelques temps, et puis ils s'en iront,
En partie car subsiste toujours une part,
C'est bien là la magie des livres lus le soir.