Chapitre 9 : La vie est imprévisible

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Chapitre9

La vie est imprévisible


A son réveil, Marie était déjà dans la cuisine. En fait, elle ne s'était pas encore couchée. La situation d' Emma la peinait au plus haut point; c'est alors qu'une idée avait germé. Géraldine, la femme de ménage de l'édifice, était enceinte. Elle arrêterait bientôt ses ménages dans les chambres à la journée et dans l'ensemble des aires communes de l'édifice. Elle avait décidé d'en parler avec Emma dès son réveil.


D'abord sous le choc,  Emma évalua la situation. Certes, elle n'avait pas les moyens de dire non, même si le salaire offert était bien en-dessous de celui qu'elle avait comme infirmière en chef à l'époque. Mais cette époque était révolue, il semblerait...et maintenant qu'elle savait que sa progéniture serait prise en charge par le père et ses parents, elle n'avait plus vraiment d'horaire de travail à respecter. Elle accepta donc en exigeant cependant de payer un loyer à Marie, ce qu'elle accepta sans rechigner. Elle comptait bien mettre l'argent de côté pour lui redonner quand se sera nécessaire.


Elle avisa donc Géraldine qu'elle avait trouvé une remplaçante et qu'elle devra lui montrer les tâches à faire dès l'après-midi. Emma prit donc le temps de ramasser la cuisine et se faire un bon petit-déjeuner pendant que Marie était couchée. Elle se prépara pour aller rencontrer Géraldine et passa dans le vestibule quand elle l'entendit arriver.


C'était une petite bonne femme joviale, avec de grands yeux pétillants et un sourire communicatif. Elle lui montra le travail à accomplir chaque jour ainsi que l'ordre dans lequel elle l'exécutait; il ne faut pas oublier que les chambres au jour et à la semaine étaient réservées pour nos travailleuses de nuit...alors c'était le travail de fin de journée, pour laisser ces demoiselles dormir. Emma, dans les semaines qui suivirent, put côtoyer un monde tout-à-fait différent de celui qu'elle connaissait jusqu'à maintenant; tout ce qu'elle connaissait de ce genre de femme lui avait été enseigné par le monde de ses parents; des gens distingués qui ne toléraient aucunement ces « putains ». Alors quelle ne fût pas sa surprise lorsqu elle croisa des dames à l'allure distinguées qui semblaient encore plus à l'aise monétairement que le cercle d'amis de ses parents. Plus à l'aise aussi que le cercle d'amis qu'elle fréquentait avec Jean-Louis. D'ailleurs, elle croisa deux de ces médecins mariés qui les fréquentaient à l'époque.   Leur premier réflexe fut de lui exprimer leur dédain de la voir ainsi faire des ménages, mais ils baissaient bien vite les yeux quand ils se rendaient compte de la situation précaire dans laquelle ils se trouvaient...ce qui faisait sourire Emma à chaque fois. Certes, elle n'avait pas conservé de lien avec les femmes de ces médecins, mais le risque demeurait toujours....pour eux!


Emma commençait donc ses journées à 13 heures et finissait généralement vers 18 heures,heure à laquelle la clientèle arrivait. Elle profitait donc de ses matinées pour prendre des nouvelles de Lucienne et, par le fait même, de Jules. Fort heureusement, il allait mieux depuis la rencontre avec Emma parce qu'il recevait un nouveau traitement pour sa maladie. Lucienne ne fit jamais mention du contrat qu'elles avaient signé, ni du fait qu'elles avaient recommencé à se parler; elle était maintenant seule dans sa grande maison avec son jeune fils et de parler avec Emma lui faisait le plus grand bien. Elles rétablirent donc un lien qu'elles avaient tentées de couper à l'époque, mais elle ne lui reparla pas de la possibilité que Jules rencontre sa mère naturelle. Marie continuait de rencontrer ses clients dans l'une de ces chambres, mais pas pour longtemps; un petit loft s'était libéré deux étages plus haut et elle comptait bien y installer Emma. Celle-ci était ravie de l'idée; ainsi elle pourrait avoir son espace bien à elle, et pourrait recevoir ses deux garçons la fin de semaine. Pour les fêtes, elle pourrait les recevoir dans l'appartement de Marie;  celle-ci y tenait. N'ayant plus de famille, elle serait contente de faire partie de la leur le temps des festivités. Emma prenait maintenant plaisir à faire ce métier; elle avait même une de ces « filles » avec qui elle entretenait des rapports particuliers; sans être son amie, elles étaient maintenant des connaissances qui se confiaient des moments plus personnels. D'ailleurs, Emma la gardait pour la fin;  c'était son dernier ménage de la journée. De temps en temps, Cécile, c'était son nom, la gardait le temps d'un thé accompagné de biscuits importés.   Car Cécile avait une clientèle particulière; la plupart de ses clients aimaient bien son côté distingué et son rôle de confidente. Alors ils ne s'y rendaient pas seulement pour des faveurs sexuelles, mais aussi pour son oreille attentive et sans jugements. La présence féminine d'Emma lui faisait le plus grand bien; surtout qu'elle était infirmière, elle pouvait aussi lui parler de ses problèmes de santé « personnels », ceux que l'on rencontre dans ce genre de métier et qui ne font pas l'unanimité chez les médecins « conventionnels ». De bouche à oreille, Emma se retrouva donc à « soigner » les filles pour des problèmes de santé liés au métier. Il fallait être prudente;  elle ne pouvait se permettre d'être bannie de la profession. Mais, de temps en temps, un examen pour confirmer telle ou telle maladie « honteuse » permettait aux filles de passer directement chez le pharmacien sans passer par le médecin. Parce que, bien sûr, on retrouvait aussi un pharmacien dans les clients réguliers...

L'affaire Emma DrouinWhere stories live. Discover now