Rigel

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10.02.18

Je savais qu'au fond j'étais attirée par les filles, mais je n'arrivais pas à me l'avouer à moi-même, car j'avais trop peur des jugements, mais surtout de ce que pouvait en penser ma famille. J'avais déjà bien déçu mes parents, alors apprendre qu'en plus de cela, leur fille aime les filles, ça pouvait passer au-dessus de leur espérance.

La peur du jugement, voilà ce qui a été la cause de ma perte de confiance en soi. J'avais peur du regard des autres, de ce que les gens pouvaient penser de moi. Et maintenant, de là où j'en suis, j'en ris à gorge déployer. Le jugement, il a toujours existé, peu importe ce que nous sommes, ce qui compte, c'est notre propre regard qu'on porte sur nous. Je me suis toujours détestée à un point inimaginable, mais j'ai réussi à dépasser ces jugements en me disant que peut-être ces personnes qui nous jugent constamment sont au final ceux qui se juge quand ils sont seuls.

Voilà ce que j'ai pu constater en tombant amoureuse pour la première fois de ma vie. J'étais follement amoureuse de cette fille. Pourquoi elle ? Pourquoi une fille ? Encore là, je ne pourrais toujours pas vous le dire, mais ce que je sais, c'est qu'on ne tombe pas amoureux d'un corps ni d'un sexe mais d'un cœur. Et même si c'était le genre de fille super homophobe, qui jugeait tout le monde à l'apparence et à leur manie, j'étais totalement sûr qu'elle avait un bon fond et que son apparence de pétasse était en fait une carapace pour emprisonner son mal-être. Peu importe ce que tu tentes de faire pour le cacher, on le voit à travers tes yeux ta tristesse et ton désarroi, si les gens ne le voient pas, c'est qu'ils n'en ont rien à foutre. C'est comme ça que j'ai su qui pouvait être une personne importante à mes yeux ou pas, c'était en réalisant qu'ils pouvaient voir à travers mes sourires mes peines et s'ils arrivaient à le voir, c'est qu'ils en avaient quelque chose à faire de mon bonheur. On pouvait le cacher comme on le voulait, mais si quelqu'un s'intéressait vraiment à toi, il le verrait quand même. Et ce mal-être, je l'ai vu dans ses yeux.

Au début, elle ne voulait pas l'avouer, elle était aussi froide qu'un mur blanc, dénudé de couleurs. Quand je venais la voir tous les jours, quand je m'assoyais à côté d'elle en cours – puisqu'on était dans la même classe – ou quand je veillais sur elle lors des soirées organisées par les gens du lycée et où on se trouvait toutes les deux là-bas.

Elle ne voyait pas que j'avais percé son secret, et elle persistait à rester de marbre et à continuer sa comédie, son masque ne voulait pas tomber. Jusqu'au jour où, le délégué de la classe – le plus populaire de l'école aussi – avait décidé d'organiser un week-end en forêt avec tous les élèves de la classe. Tout le monde a voulu participer à la sortie et c'était vraiment géniale car lors de ce campement, les classes sociales sont tombées et nous étions plus que des êtres humains parmi tant d'autres.

Elle trainait quand même qu'avec les gens de sa « classe sociale » soit les populaires. Et l'après-midi, quand tout le monde devait monter sa tante, elle s'était retrouvée sans rien, puisque la sienne c'était trouée. Aucunes de ses « amies » n'avaient voulu l'héberger puisqu'on était tous dans des tantes à place unique. J'avais pris cette occasion pour me rapprocher d'elle et l'inviter à me rejoindre, elle avait hésité longuement, mais quand vint le soir et que tout le monde était partie dormir, elle avait finalement décidé de prendre mon offre.

Une soirée merveilleuse s'était passée. J'avais appris sur le coup ses vrais passions, ses ambitions pour le monde d'adultes et ses plus grands rêves, ce qui n'avait rien à voir avec l'apparence qu'elle donnait au lycée, comme quoi il ne faut jamais juger un livre à sa couverture.

Beaucoup de fous rires, de confessions, de retomber de masque. Et vers minuit, on était sortie de notre tante qui nous empêchait de respirer tellement elle était petite et qu'on était entassée l'une sur l'autre. On avait marché jusqu'au lac et on s'était assise sur les pierres. Puis, elle avait décidé de tremper ses pieds dans l'eau tout en regardant le clair de lune nous éclairer comme en plein jour et elle s'est retournée vers moi.

" – Tu viens ? Je te jure que l'eau est à température ambiante. "

J'avais hésité, ne lui faisant pas vraiment confiance – de peur qu'elle ne m'éclabousse ou autre – mais elle s'était approchée de moi et m'avait pris les mains pour ensuite m'obliger à tremper moi aussi mes pieds dans l'eau. On s'est ensuite regardée dans les yeux, et elle m'avait souri, je n'avais jamais vu un sourire aussi sincère venant d'elle.

C'est comme ça que je suis tombée amoureuse. Et je n'ai jamais été amoureuse d'une personne autre qu'elle. Elle a été la seule et l'unique, unique amour de ma putain de vie.

~ We keep behind closed doors
Every time I see you, I die a little more
Stolen moments that we steal as the curtain falls
It'll never be enough ~

Falling like the starsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant