Le Monstre de St-Nicolas

II

Il y'avait un monstre chez nous, à St-Nicolas.
Un monstre que je chassais à mon tour. Un monstre que j'avais juré de tuer de mes propres mains.

C'était une nuit de pleine lune, la nuit où le signal du carnage était habituellement donné. Les villageois attendaient à tout moment d'entendre les hurlements du monstre, au fond de la fôret. Portes verrouillées, fenêtres fermées, volets baissés, le village était plongé dans un silence funèbre, la peur faisant vibrer le coeurs des habitants: Qui serait le prochain ?

- Marilene, viens ici.

Ma mère venait de fermer la porte de notre petite maison à double battant. Prenant ma main, elle m'emmena devant ma chambre. C'est ainsi toutes les nuits quand la bête sortait de sa cachette, on m'enfermait dans la mienne; ma chambre au premier étage.
Je pense que c'est ça qui sauva ma vie, en ce soir fatal.

- Le monstre va venir, maman ?

- Oui, mais tu n'as pas à t'inquiéter. Ce n'est pas nous qu'il cherche.

- Parce qu'on aime Dieu ?

- Parce qu'on aime Dieu et Dieu nous aime. Il nous préservera de sa créature maléfique.

J'étais rassurée. Dieu nous aime...
Ma mère m'embrassa le front comme elle le faisait tout les soirs ordinaires et ferma la porte, à clé. Je l'entendis descendre les escaliers et l'imaginait
s'installer sur le canapé du salon, devant la cheminée.

Qu'est ce qu'elle pouvait bien faire quand il apparut au seuil de la porte? Lisait- elle sa bible ? Priait-elle ? Ou pensait-elle à sa fille de quinze ans qu'elle avait enfermée dans sa chambre ?
Pensais-tu à moi quand il vint te chercher, maman ?
Je ne le saurais jamais, n'est ce pas ?

J'attendais sur mon lit quand cela arriva. Des coups assourdissants provenant d'en bas me firent sursauter. Il est là !
Le monstre est chez nous !
Effrayée, je m'approchai de la porte et plaquai mon oreille contre cette dernière. Je décelai des grognements farouches et des faibles implorations. J'eus du mal à reconnaître la voix de ma mère, elle qui n'employait jamais ce ton soumis.

- Mon coeur.. S'il te plait.

Qui était-ce, maman ? Le connaissais-tu ?

- Je t'en supplie..

Il y'eut un tumulte sourd au salon, bruits de pas, cris étouffés, sanglots.. En plus d'un long grattement, comme si on trainait quelque chose par terre.
Puis, plus rien.