Babo ? Boda ?

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Un éclat de rire sous les rayons d'un soleil ; éblouissante, elle virevolte.
Transparence d'une eau cristalline ; un visage tendre dans la chaleur, dans la lumière.

Oh, comme les heureux souvenirs se font douloureux, à l'approche de la mort...
Le froid emporte la vie, engourdit les sens, anesthésie la souffrance ; l'esprit, lui, lutte jusqu'au bout.
Une main à la peau grise tremblotte pour s'accrocher à la rudimentaire peau de bête, enroulée autour des frêles épaules d'une jeune femme titubante dans un désert glacé.
Un pas après l'autre, puisant en son essence des ressources qu'elle ne se soupçonnait pas, elle avance, lentement. Son regard se fait brumeux, sa respiration saccadée ; son coeur ralentit, l'engourdissement menace de la faire s'effondrer... Pas question d'arrêter.
Le sol craque sous son pied, le vent siffle, fouette sa peau douloureuse, comme parsemée d'un milliard d'aiguilles enfoncées dans ses chaires meurtries ; un gémissement lui échappe, elle trébuche presque.

A des kilomètres à la ronde, un enfer gelé ; des roches, une terre figée, sèche, infertile. Aucun animal, aucun insecte... Aucune vie.
Juste la mort, sombre spectre de glace que la jeune femme sent tout autour d'elle ; ses serres acérées couleur de nuit se referment lentement sur sa peau, bientôt, elles atteindront son coeur.

Et d'un coup, le pétrifieront. Un dernier souffle échappera de ses lèvres meurtries, sa tête frappera cette terre sèche, son corps se désarticulera, ses yeux demeureront ouverts ; au milieu de ce désert de glace, plus aucun mouvement, plus aucun son.

Le désespoir de cette mort silencieuse, à des milliards de kilomètres de toute forme de vie, manque de la terrasser. Ses espoirs de rencontrer un sauveur sur cette planète maudite lui ont échappé des heures plus tôt ; pourtant, elle marche encore. La dernière flamme de vie, brûlant quelque part dans sa carcasse frigorifiée, la pousse à chercher désespérément une porte de sortie ; son instinct de survie anime ses os, la fait avancer, encore, pas après pas.

Ce n'est plus elle qui réfléchit, qui espère : c'est son coeur, se démenant dans un corps dont la température chute à chaque minute qui passe, qui s'acharne à alimenter les organes vitaux de battements toujours vivaces cependant de plus en plus rares. Cette carcasse deviendra bientôt son cercueil.
Quant au cerveau, embrumé, il ne joue plus aucun rôle sauf celui de torturer une âme esseulée à des années lumières de sa maison, en la noyant de souvenirs de plus en plus vivaces qui menacent à présent de l'emporter ; se laisser sombrer, là, prises dans d'euphoriques réminiscences d'éclats de rire candides, perspective d'une fin bien douce, de plus en plus tentante...

Car l'enfer n'a pas de fin. Aucune porte de sortie. Cette réalisation l'aura frappé bien plus tôt.

Ses jambes se dérobent sous son poids ; ses coudes rencontrent la sécheresse du sol qu'elle maudissait encore quelques instants plus tôt. Pourtant, quelque chose en elle s'allège ; elle est soulagée : à défaut de reposer dans la terre meuble de sa planète natale, au moins aura-t-elle quelque part où dormir, conservée par le froid... Quelqu'un la retrouvera, dans dix ans... quarante ans... Un siècle...
Un siècle de solitude.

Tremblante sur ses coudes, elle se redresse un peu pour regarder le ciel.
Là, quelque part dans l'immensité sombre de l'univers, à des années lumières de vide, sa maison l'attend.
Elle y sera bientôt.

Ses yeux se noient de larmes brûlantes, qui gèle déjà contre la peau grise de ses joues. Au travers du voile humide, elle croit apercevoir un visage chaleureux, entouré de fleurs colorées ; bleues, mauves, jaunes... Une voix lui parvient, l'invite à la rejoindre, à venir respirer leur parfum ; leurs couleurs vibrent, l'entourent, chassent l'horizon et ses spectres de glace. Le froid du sol pénètre au travers de la peau de bête, son coeur accélère, accélère... Lentement, elle retombe, se laisse reposer... Le ciel semble approcher...

... Et se fend.
De terribles tonnerres lui vrillent les oreilles, lui remuent le corps ; la terre tremble, son coeur presque arrêté reprend son rythme, brise presque ses côtes tant il frappe fort. Ses membres s'agitent, convulsent sous l'ardeur de la pulsation ; les battements de son coeur sont si puissants qu'elle en pleure de douleur.

Foi [Le Mandalorien]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant