Le pouvoir des mots

J a n. 2 0 1 5

 Elle est en body devant moi, avec un jean, mamama le boule qu'elle a, et je caresse son dos nu, et surtout ses cicatrices. Elle se tend doucement, comme à chaque fois que je les survole, qu'importe le moment mais ça dure que quelques secondes. 

Ça fait que quelques semaines qu'on est ensemble, genre trois-quatre grand maximum et plus on avance, plus ses cicatrices me font peur. Pas parce que je trouve ça moche, des cicatrices, on en a tous, qu'importe comment. Juste parce que j'ai l'impression que le secret qu'elle planque, il est énorme. Ça me stresse. Elle a pas l'air décidé à en parler et je me ronge le freins pour en connaitre la cause. 

Elle se retourne finalement, se collant contre moi. Je lui offre un sourire de façade qu'elle capte à peine et songeant que l'ambiance est bien trop lourde, je claque mes deux mains sur son cul, la faisant geindre de douleur. Elle se relève rapidement pour me fusiller du regard mais je tape mon meilleur sourire. Elle rigole et ça fait vibrer mon corps. 

Je l'embrasse et la porte de ma chambre s'ouvre en même temps sur Hakim, je lève les yeux au ciel, Jude se décale de moi et Hakim grogne en fusillant ma rousse du regard. Je grimace quand il referme la porte, j'arrive pas à savoir ce qu'il pense d'elle. Sans compter que je sais même pas pourquoi il est venu. 

- J'vais voir ce qu'il veut ...
- J'crois qu'il m'aime pas, elle murmure tristement 
- C'est pas-, je m'arrête dans ma phrase, je sais pas moi-même, c'est juste mon frère, j'hausse les épaules

C'est la réponse la plus sincère que je peux lui donner. Haks, il est ... Lui et ça nous étonne plus, mais d'extérieur, ouais, je comprends que ça puisse foutre mal à l'aise, je lui toucherais quand même deux mots. 

Quittant ma chambre, je me retrouve dans le salon où mon frangin est posé devant fifa, il me jète un regard en biais et soupire mais sort pas un mot. J'ai parfois envie de le secouer, de lui dire de me parler, je comprend pas forcément ses réactions. 

- Tu voulais quoi ? je finis par balancer
- Ce que tu voulais manger. Elle reste ? 
- Ouais, dormir, même. 

Il se contente d'hocher la tête et je mors l'intérieur de la joue. Il a jamais insulté ma go, c'est souvent "elle" quand il doit parler d'elle mais il balance son blase quand ça parle de plusieurs go. Genre, il lui parle pas, l'ignore beaucoup mais il reconnait son existence et l'insulte pas. C'est trop chelou parce que d'autres meufs, il se gênait pas pour les insulter en ma présence, elle, c'est différent et j'arrive pas à savoir si c'est bien ou pas. 

- Tu veux manger quoi, toi ? 
- Un grec ? 
- Ça marche, prends-en un pour Jude s'il te plait, je lui tend ma carte 
- ... mixe sauce blanche ? 
- Poulet sauce andalouse, il grimace et ça me fait golri

Ma go se ramène timidement, surement parce que j'étais trop long et j'hausse un sourcil quand je vois qu'elle m'a shourrave un sweat. Hakim met sa partie sur pause et se redresse. Jude m'offre un regard et fronce les sourcils, surtout en voyant ma carte bleue entre ses mains. 

- Attend, Hakim, c'est moi qui vais y aller, déjà que je squatte beaucoup. 

C'est vrai que cette semaine, on est beaucoup resté dans l'appart de mon reuf et moi. Sauf qu'Hakim s'en bats les couilles et me rends ma carte. La rousse enfile déjà son manteau. 

- Tu prends quoi ? lui demande-t-elle 
- Mais Jude, il est vingt-deux heures, tu sors pas seule. 
- Bah accompagne moi. 

Hakim sourit doucement cet enfoiré et je soupire en enfilant mes baskets. 

- C'est pas toi qui paye, j'annonce. 
- T'es-tu pris pour mon cheum ? 
- Ouais, je la fusille du regard et elle m'offre un clin d'oeil, je rigole pas, putain. Tu payes aps. 
- T'as pas le choix, et si ça t'emmerde, tu paieras pour toi, mais j'offre le repas à ton frère, quoiqu'il arrive. 

Je sers le poing tellement elle me casse les couilles à être aussi têtue et elle claque la porte sans m'attendre. Hakim lâche un rire ce bâtard. Je lui offre un majeur et je me casse rapidement, dehors, je rattrape ma canadienne qui s'en bat vraiment les couilles, glissant mon bras autour de son cou, je lui embrasse la tempe. 

- Sois pas mielleux, je paye. 
- Ça marche, je soupire
- T'as abandonné très vite, elle constate
- T'as fais rire Haks. Tu mérites de gagner cette bataille. 

Sa bouche forme un joli "O" qui m'appelle et je l'embrasse avant de la pousser dans le premier grec du coin, surtout celui où on va toujours avec mon reuf et Youssef m'accueille avec un grand sourire avec de se figer un peu en voyant la meuf qui m'accompagne. Tu m'étonnes, Jude est trop canon et fait cet effet là a tout le monde. Je bombe le torse tellement je suis fière de trainer avec elle à mes côtés. 

- Hé bah Framal, t'es lourdement chargé ! 
- T'inquiètes frère. Tu fais comme d'hab ? 
- Pour Mekra aussi ? j'hoche la tête et je me tourne vers Jude qui ramassait un doudou.
- Bébé, poulet andalouse ? 
- S'il te plait. Avec crudités, je sors ma carte et cette folle me claque la casquette, Idriss Akrour, j'ai dis quoi ? Je paye tabarnak. 

Je grogne pour la forme et je secoue la tête sous le rire moqueur de Youssef, j'ai trop le mort putain. En plus elle a juré en québecois, j'ai envie de pleurer tellement j'ai le seum. Et puis elle a sortie mon blase complet comme une daronne. Je remonte mon couvre-chef en la fusillant du regard alors qu'elle tape son code avec une petite chanson. Sale folle, je vais me venger. T'es pas prête. 

- Ça marche les affaires ? me demande Mouloud en coupant la viande
- Ça va, ça va, Nek bosse son album solo là, je souris 
- Et vous en sortez un quand, le S ? 
- Ah ça, frère ... Tu sais bien qu'on parle pas trop. 

Mouloud me sourit et hoche la tête, avant de revenir avec nos trois grecs et la blinde de frite. D'ailleurs Jude revient avec trois bières et j'hausse le sourcils un peu surpris. 

- C'est pour amadoué Hakim. 
- C'est plutôt du Sky qui te faudrait, je murmure, toujours sceptique 
- Sorry Dude, do you saw "Jack Daniels" somewhere ? No, alors il se contentera d'une bière fraiche. 
- T'es tendue un peu nan ? je demande en glissant les boissons dans le sac, bonne soirée les gars ! je les tcheque et je laisse Jude glisser sa main dans la mienne, m'offrant un sourire doux. 

Ça me fait bizarre des fois, de l'avoir près de moi mais je m'y habitue de ouf. On rentre à l'appart et elle tend rapidement le sandwich à Mekra qui l'a remercie a demi-mot. Elle distribue les canettes de bière et je sais que mon frère l'a fixe d'un oeil curieux. Parce qu'il s'attendait pas à ça. Il repose la canette sans l'ouvrir. 

- T'en veux-tu pas ? demande-t-elle 
- C'est pas ce que j'avais commandé. 

Je grimace devant le ton froid de l'ainé mais Jude soupire et reporte son attention sur la télé. Je me dis que la conversation va s'arrêter là mais en fait, c'est visiblement mal connaitre ma go parce qu'elle éteint la télé sans rien dire et se dégage avant même qu'Hakim ait eu le temps de faire un mouvement. 

- T'as un problème avec moi Akrour. J'aimerais qu'on le règle. 

Hakim croise les bras et s'enfonce dans le canapé, le visage aussi fermé que quand je lui demande de venir me chercher en GAV. 

- Je t'ai rien fais, je fais même des efforts pour que tu m'acceptes mais je refuse de me laisser marcher dessus par un grincheux de marde. 
- Mets une muselière à ta meuf, Fram', sinon elle dégage de chez oim. Marre d'accueillir des chiennes, il marmonne la dernière phrase. 

Il ne lui laisse pas le temps de répliquer qu'il embarque le reste de son grec dans sa chambre, sous mon regard perplexe. J'comprend définitivement pas ce qu'il a et je soupire en voyant Jude jeter la télécommande sur le fauteuil, balançant des insultes surement très salées à mon reuf déjà absent. 

Bsahtek l'ambiance putain. 

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