LLOYD

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Ce jour-là, je ne l'oublierai jamais. Je m'en souviens comme si c'était hier, ce jour où ma famille entière a péri. De mes lointains souvenirs, ma mère a toujours été celle qui se démenait pour joindre les deux bouts. Elle travaillait sans relâche, en cumulant de petits emplois : un jour serveuse, le lendemain plongeuse, femme de ménage ou nounou. Quand elle rentrait du travail, elle était épuisée. Malgré la maigre nourriture qu'elle avait, elle nous la donnait. Parfois, je me rappelle qu'elle se privait de manger pour que nous puissions être nourris. J'avais aussi un frère de onze ans, qui était mon héros aux yeux innocents. Il essayait de protéger ma mère à chaque fois qu'elle se faisait battre par mon père. Toujours arborant un sourire joyeux, il était mon inspiration.

J'avais également deux sœurs, l'une âgée de cinq ans et l'autre de six mois. Mon père était l'opposé de ma mère. Il était un véritable alcoolique, et de mes souvenirs les plus lointains, je me rappelle de lui passant son temps à fumer et à s'enivrer. Un homme paresseux, brutal et grossier. Ce jour-là, ma sœur de six mois était gravement malade, avec une forte fièvre qui ne cessait de la faire pleurer. Ma mère avait utilisé les maigres économies qu'il lui restait pour acheter des médicaments pour ma sœur. Elle n'avait plus les moyens de payer une nouvelle consultation, ce qui faisait empirer l'état fiévreux de ma petite sœur. Épuisé par les cris, mon père la prit brusquement des bras de ma mère et la jeta par terre.

"Comme ça, elle ne nous embêtera plus," dit-il.

J'étais sur les escaliers, horrifié par cette scène. Ma mère criait et essayait de sauver le bébé, mais elle ne se réveilla plus. Elle s'est précipitée vers lui en l'insultant, et mon père lui asséna un coup violent. Depuis cet acte, ma mère n'a plus ouvert les yeux. Mon frère, ayant assisté à la scène, tenta de protéger ma mère, mais lui aussi trouva la mort. Ma petite sœur de cinq ans, tremblant de peur, était là, témoin de tout cela. Mon père prit une arme dans le tiroir et tira sur ma sœur, puis il me regarda. Je voulais courir, me cacher, mais mes jambes refusaient d'obéir. J'étais figé, impuissant, observant ce massacre. Je pensais que mon père allait venir me tuer, mais au lieu de cela, il se tira une balle dans la tête. Alertés par le bruit, les voisins accoururent et découvrirent une scène horrible, des corps étendus par terre, du sang partout. Ils appelèrent immédiatement la police. Certains voisins m'aperçurent et montèrent rapidement me voir. Ils me posèrent toutes sortes de questions, mais j'étais dans un autre monde. Je n'entendais rien, je ne voyais rien. Je réussis à me libérer des mains de mon voisin, descendis les escaliers et m'agenouillai. J'essayai de réveiller ma mère, pensant qu'elle était juste évanouie, mais mes efforts furent vains. Elle était immobile, inerte. On m'emmena au poste de police, où ils me posèrent toutes sortes de questions : comment je m'appelais, ce qui s'était passé, mon âge... Mais je n'arrivais pas à prononcer un mot. Rien ne sortait de ma bouche. Je ne comprenais rien. Tout était arrivé si vite, les images se répétaient en boucle dans ma tête.

Un des policiers dit : "Ça suffit, Jack, tu ne vois pas à quel point il est terrifié." Sur ces mots, il me prit par la main et m'emmena dans une voiture noire. Il me dit que j'allais être envoyé dans un centre où je pourrais dormir en paix cette nuit-là, et que les enquêteurs viendraient demain matin. Arrivé au centre, une femme aux cheveux noirs m'accueillit avec un large sourire avant de me conduire dans une petite chambre bleue et blanche. Pendant quelques jours, les policiers vinrent régulièrement au centre pour en savoir plus sur ce qui s'était passé ce jour-là. Deux semaines plus tard, ce fut l'enterrement de ma famille. Il n'y avait pas beaucoup de monde, juste quelques voisins et policiers. Six mois plus tard, une famille m'adopta. C'était un couple sans enfant, et tout se passa bien au début. Mais quelque temps plus tard, ma nouvelle mère décida de m'abandonner sur un site d'adoption, parce que, selon elle, je ne correspondais pas à l'image idéale qu'elle avait en tête. Une autre famille me prit en charge, mais dès les premiers jours, je remarquai que ma nouvelle mère était extrêmement violente. Mon père était rarement présent, et ils n'avaient qu'une fille de dix-sept ans qui était partie vivre avec son copain. J'étais le seul à la maison, celui qui devait endurer les sautes d'humeur de ma mère. Il s'est avéré qu'elle avait des troubles psychologiques. Eux aussi finirent par m'abandonner. Je fus soulagé de quitter cette famille. À un moment de ma vie, j'ai compris que seule l'éducation pourrait me sortir de cette situation. J'ai donc travaillé dur et suis arrivé en tête de ma promotion, ce qui m'a valu une bourse d'études pour l'université d'Oxford. Au fil du temps, je suis devenu une personne antipathique, dénuée de tout sentiment envers les autres. Je pensais que seul l'argent et la réussite comptaient, jusqu'à ce que mon destin croise son chemin...

JUST ME AND YOUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant