Les mots ont-ils plus de pouvoir que les armes ? Peuvent-ils me blesser autant que ta lame transperçant mon corps ?
Les mots sont très puissants. Même les personnes ayant fait de mauvaises actions l'ont compris. Les dictateurs n'ont-ils pas persuadé des centaines de milliers de personnes que leur vie serait meilleure avec eux ? Les politiciens ne font-ils pas tous les jours usage de leur maîtrise de la langue ? Les chanteurs n'utilisent-ils pas les mots pour nous faire passer un message ?
Toute personne doit savoir se faire écouter, savoir convaincre, persuader un public.
Car oui, les mots peuvent blesser aussi profondément que la lame d'un poignard.
Les mots sont les armes d'un trop grand nombre de prédateurs.
Les outils d'une guerre injuste et dépourvue de sens.
Ils sont un poison qui s'insinue dans vos pensées, vos actions et votre âme.
Vous cherchez toujours la raison pour laquelle un mot vous a été adressé.
Mais il n'y en a jamais.
La violence est gratuite, la compréhension payante.
Et tu ne m'as pas comprise.
Et alors ? Cela te donne-t-il le droit de m'adresser des mots si durs ? De m'écrire des messages si violents ?
Tu sais, l'écrivain est lâche.
Il peut gommer ses mots, changer la forme, changer le fond.
À celui qui me dit en face ces mots, je lui reconnaîtrai toujours une chose. Le courage. Le courage d'être venu face à moi et de m'avoir dit ces insultes. Il n'avait pas de seconde chance, pas de deuxième essai.
Il est venu, il m'a vu, il m'a vaincu.
Lui est celui que, malgré tout, je trouve courageux. Il faut du courage pour parler à quelqu'un, pour lui dire ce que l'on pense vraiment de lui.
Ce courage, toi, tu ne l'as pas eu. Alors oui, tu es lâche. Toi et tous ceux qui ont écrit sur ma table, sur mon cahier, mon sac, et mon casier. Vous êtes lâches. Et vous le resterez toute votre vie. Vous n'avez pas le courage de risquer l'échec, vous avez peur de vous tromper lors d'une intimidation publique.
Alors pourquoi devrais-je avoir peur de vous ? Pourquoi votre simple présence éveille-t-elle en moi la plus ancienne émotion de l'être humain ?
Mais car je suis lâche moi aussi. Je suis comme vous.
Sinon, pourquoi t'aurais-je écrit ? Pourquoi ne serais-je pas venue te voir directement ?
La voilà ta réponse, je suis aussi lâche que toi. Mais peut-être le suis-je un peu moins. Moi au moins, j'ai eu le courage et la force de faire ce que beaucoup ne feront jamais. Je me suis relevée, la tête haute et le regard fier.
Mais pas avec le regard d'une vainqueure, non.
Avec le regard d'une perdante.
Le regard d'une perdante qui se bat depuis toute petite, depuis que les autres ont commencé à la trouver étrange, à se moquer d'elle simplement parce qu'elle était différente. Le regard d'une perdante qui s'est battue jusqu'à l'épuisement et qui aujourd'hui encore, se relève pour les rounds suivants. Parce qu'il y en aura d'autres. Je le sais.
Il y aura des dizaines de personnes qui voudront me mettre à genoux devant eux, qui voudront me briser. Et je perdrai encore. Mais je me relèverai toujours. J'en ai fait la promesse. La vie est ce qu'on m'a offert de plus précieux, ce n'est pas quelque chose que tu peux décider de m'enlever. Tu ne peux pas jouer avec, te lasser puis décider que finalement ça ne t'intéresse pas, que tu peux me jeter sans scrupule. Parce que les mots que tu dis sont adressés à une personne vivante, qui ressent des choses et qui souffre de la même manière que les autres. Ce n'est pas un pantin sur lequel tu peux te déchaîner. Je ne suis pas ta poupée vide de sentiments et tu ne seras jamais mon Grand Manitout.
Alors oui.
Tes mots sont forts. Tes mots sont violents. Ils sont blessants. Touchants. Ils me marquent, ils me dévorent, pénètrent en moi et s'inscrivent dans ma chair et mon âme.
Mais ils sont faux.
Et ça je le sais. Tu auras beau me les répéter cent fois, de cent manières différentes, avec cent personnes différentes, ils resteront vides. Ils sonneront creux.
Et ça, toi, tu ne veux pas l'admettre.