25mai.
Aucun changement ! Mon état, est bizarre. À mesure qu'approches le soir, une inquiétude incompréhensible m'envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible. je dîne vite, puis j'essaie de lire; mais je ne comprends pas les mots; je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous l'oppression d'une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit.
Vers dix heures, je monte dans ma chambre. À peine entré, je donne deux tours de clé , et je pousse les verrous., j'ai peur... De quoi ?... Je ne redoutais rien jusqu'ici... J'ouvre mes armoires, je regarde sous mon lit ; j'écoute... J'écoute... Quoi ?... Est-ce que étrange qu'un simple malaise, un trouble de la circulation peut-être, l'irritation d'un filet nerveux, un peu de congestion, une toute petite perturbation dans le fonctionnement suis imparfait et si délicat de notre machine vivante, puisse faire un mélancolique du plus joyeux des hommes, et un poltron du plus brave ? puis, je me couche, et j'attends le sommeil comme on attendrait le bourreau. Je l'attends avec l'épouvante de sa venue, et mon coeur bat, et mes jambes frémissent; et tout mon corps tressaille dans la chaleur des draps, jusqu'au moment où je tombe tout à coup dans le repos, comme on tomberait pour s'y noyer, dans une gouffre d'eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermé les yeux, me détruire.
Je dors - longtemps - deux ou trois heures - puis un rêve - non - un cauchemar me serre. Je sens bien que je suis couché et que je dors... Je sens et je le sais... Et je sens aussi que quelqu'un s'approche de moi, ne regarde, me palpe, monte sur mon lit, s'agenouille sur mon torse, me prend le cou entre ses maî et serre... serre... de toute sa force pour m'étrangle.
Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les rêves; je veux crier, -je ne peux pas;- je veux bouger,- je ne peux pas;- j'essaie, avec des efforts affreux,en essayant, de me tourner, de rejeter cet être qui m'écrase et qui m'étouffe,- je ne peux pas!
Et soudain, je m'éveille, affolé, couvert de sueur. J'allume la lumière. Je suis seul.
Après cette crise, qui me revient toutes les nuits, je dors enfin avec calme, jusqu'à l'aurore.
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Le Horla de Guy de Maupassant
Horror"Ai-je perdu la raison? Ce qui s'est passé la nuit dernière est tellement étrange que ma tête s'égare quand j'y songe!" Guy de Maupassant