Occursum

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(Narcyz s'est rassis sur le rebord du toit, alors que la Lune reste debout derrière lui. Ensemble il observe la place et la famille qui pleure.)

La Lune :

Le glas va bientôt sonner.

Toute la famille est là, mais le maire est absent.

Narcyz :

Ce ne sont que des formalités tout ça,

Le maire a juste à signer un papier

La famille a pleuré, la cloche va sonner,

Une cérémonie vieille comme le monde, d'une tradition ridicule.

Comme si le mort allait voir tout ça.

La Lune :

Penses-tu qu'il n'y ait rien après la vie ?

Narcyz :

Je sais pas, j'aimerais y croire.

Mais quelle version croire ?
Les religions, les scientifiques,
qui a raison ?

La Lune :

Les hommes s'intéressent tant à la mort qu'ils en oublient de vivre.

Narcyz :

Mais le but de la vie n'est-il pas la mort ?
Comme dans un train c'est le terminus,
on ne peut pas y échapper.
Tout le monde y passera, bon comme mauvais,
alors autant espérer qu'elle soit douce et que l'après soit bon,
ou juste qu'il existe.

La Lune :

La mort est la fin de la vie, mais non le but.
Ne serait-il pas meilleur, de vouloir vivre ces rêves, ces désirs pour ne pas regretter ?
La vie n'a qu'à but, celui d'être vécu pleinement.

Narcyz :
Mais comment vivre quand tout est noir ?
Quand tout est perdu, qu'on y arrive plus ?
Quand tous les soirs la seule chose que tu fais,
c'est de venir sur un toit en hésitant entre sauter et continuer ?

Le monde ne veut pas qu'on vive pleinement,
il veut qu'on travaille, qu'on fonde une famille.

Moi je voulais voyager, partir et jamais revenir
et regarde-moi.

Coincé chez moi, avec un diplôme inutile,
à devoir aider ma famille avec les tâches inutiles.
À observer la vie de personne inutile, à n'être qu'inutile.

La Lune :

Pourquoi ne pas mettre fin à cet ennui ?

Narcyz :

...La peur.
Le doute.
Je me dis que peut-être, un jour ça ira mieux.

Mais viendra-t-il ce jour ?

La Lune :

Je ne parlais pas de sauter ou de mourir.

Mais d'avancer.

Ce n'est pas au jour de venir à toi,
c'est à toi d'aller à ce jour, de le faire.

(La Lune commence à disparaître, le ciel s'éclaircit.)

Le Soleil revient.

Narcyz :

Te reverrai-je ?

La Lune :

Chaque soir je serai là, même silencieuse,
la nuit porte conseil.

(La Lune disparaît.)

Narcyz :

La lune porte conseil.

(Narcyz se lève, se penche en avant, hésitant, sous le son du glas et les premiers rayons du soleil, il fait demi-tour.)

Narcyz - Pièce de théâtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant