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18 novembre 1870

J'ouvris ma main face au ciel assombri lorsqu'une minuscule goutte d'eau vint l'effleurer. Puis deux, puis trois. De nouveau, les ruelles se recouvraient de ce fin manteau d'eau sur lequel je marchais pas à pas. La veille encore, ces lieux m'étaient inconnus mais le chemin que j'avais emprunté et m'apprêtait à reprendre aujourd'hui m'était plus familier. Encore une fois, pas l'ombre d'une vie ne venait s'ajouter à ce décor, cet arrière-plan sombre, dont même la lumière peinait à l'éclairer. Lumière qui apparut soudain dans deux petits yeux me fixant. L'enfant. Celui aux yeux de miroirs. Il portait toujours son étoffe sale et déchirée mais dévoilait une égratignure sur le bras droit. De nouveau, il m'approcha, mais je reculai face à sa réaction et m'en allai sans me retourner. Je parcourus la ruelle, pris la seconde à droite et m'arrêtai. La deuxième enfant. Elle était assise sur le sol. Sa plaie de la veille était devenue brunâtre et se confondait à présent dans ses jambes tout aussi sombres. En me voyant arriver elle tenta de se lever, boitant sur les pavés. Mais je l'évitai, craignant qu'elle ne tombe de nouveau et lui fit un geste de la main afin qu'elle reste contre le mur. Celle-ci poussa désespérément son appel dans son même langage, mais j'avais continué ma route en sachant qu'elle resterait là à m'observer jusqu'à ce que je disparaisse à l'horizon. Je descendis la troisième ruelle à gauche, Puis soudain entendis la colère d'une femme à l'intérieur des murs. Cette même voix de la veille. En regardant dans cette même direction, j'aperçus à travers la fenêtre la silhouette de la troisième enfant cette fois pleurant. Puis de nouveau, elle se cacha sous son châle et disparut dans la pénombre de la pièce. Je continuai ma route. Atteignant la grande rue, croisant bars, café et autres boutiques chaleureuses au côté de Parisiens généreusement habillés et souriants. J'atteignis la place du marché, me faufilant de nouveau dans ce gigantesque labyrinthe humain, puis reconnus la voix du commerçant au loin en colère poursuivant de nouveau un être sombre et minuscule fuyant comme le vent.

– Eh ! Reviens tout de suite ! Alors que je gardai toujours les yeux rivés sur les bords du fleuve, une femme arriva soudain à mes côtés et regardant dans la même direction protesta. – Ah ces enfants de l'ombre. Ils ne changeront jamais. Ne l'ayant vu venir, je sursautai puis réfléchi longuement à ses paroles avant de me tourner vers elle. – Comment les avez-vous appelés ? Celle-ci de nouveau prononça ces mots. - Enfants de l'ombre. Il y eu un silence puis celle-ci ajouta. – Ce sont des enfants comme les autres, poursuivit-elle, Simplement ils sont orphelins sans abri. Ils vivent cachés dans les ruelles de la ville, parfois à plusieurs, parfois seuls. Ils se débrouillent. Leurs familles n'ayant de quoi vivre, elles les abandonnent. Ce sont des choses qui arrivent. Elle désigna le fleuve. – L'enfant, continua-t-elle, vit sous les ponts. Il m'arrive de l'aider, de lui acheter du pain. Il ne faut pas les délaisser ces enfants. Il ne faut pas...

Enfants de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant