1 - Le choc

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Ce n'est pas comme si c'était arrivé du jour au lendemain. Comme si je ne m'y attendais pas. En un mois de temps, j'avais eu le temps de me préparer. Me préparer ?! Comme si l'on pouvait se préparer à ce genre de chose.

Finalement, je ne saurais pas dire si le plus difficile a été le jour de sa mort ou tout ce mois à le voir dépérir. Parce que c'est ce qui s'est passé. Une longue et lente souffrance jusqu'à disparaître et ne plus être de ce monde.

***

Je n'aimais pas râler sur lui. Mais j'étais bien obligée de le faire, sinon, qui prendrait soin de lui et de sa santé fragile à ma place.
- « Ne sors pas comme ça ! Tu vas attraper froid. », lui disais-je.
- « Oh mais c'est bon, je vais juste chercher le journal dans la boîte aux lettres. Je n'en ai que pour deux minutes. »

Cette fois-ci, il avait pris la peine d'enfiler un gilet. Même si je le trouvais trop fin à mon goût. Je le vois encore à travers la fenêtre de la cuisine se déplaçant d'un petit pas rapide vers la boîte aux lettres, ses mains serrées contre sa poitrine pour que son gilet ne s'ouvre pas.

- « Évidemment il ne l'a pas boutonné ! », râlais-je.

Deux minutes plus tard, il était revenu avec son journal à la main. Mais malheureusement, pas qu'avec ça...

***

Ça a commencé par de la toux. « Une simple bronchite » d'après son médecin traitant dont la façon de minimiser les antécédents me déconcertait. Je préférais rester en alerte face à ce terrain fragile où plus qu'un poumon sur deux fonctionnait.
Son boulot qu'il adorait tant avait eu raison de lui, enfin plutôt l'amiante. Depuis son plus jeune âge, il avait trainé sur les chantiers, entouré par ce poison s'immisçant vicieusement dans ses poumons. Il a fallu attendre quelques années pour voir les dégâts qu'avait fait cette fibre destructrice.

Ensuite, il a eu une respiration difficile. La première fois que j'ai entendu ce souffle profond et rauque, je me suis réveillée en sursaut. Je me suis demandé ce que c'était. J'ai tendu l'oreille et je me suis rendu compte que ce souffle venu d'outre-tombe provenait de l'autre côté du mur de ma chambre. Chaque nuit le supplice était de plus en plus en prononcé. J'étais paniquée, j'avais peur qu'il s'étouffe. Bizarrement, une pensée me traversait à chaque fois l'esprit : j'aurais dû être plus attentive pendant la formation de réanimation au Lycée.

Alors, on était bien obligé d'aller revoir ce foutu médecin avec toujours la même insensibilité. Cette fois-ci on repartait avec un nouveau jouet...

- « Dis-toi que c'est comme un animal de compagnie ? », blaguais-je sans grande conviction.

Assis dans son fauteuil au milieu de notre salon, il regardait impuissant cette petite machine sans qui, à présent, il ne pouvait plus respirer correctement.

Au début, il s'en servait seulement quand il sentait son souffle un peu trop court. Plus les semaines passaient, plus il devait augmenter le niveau d'oxygène, jusqu'à ce qu'il ne puisse se passer de cette saleté de bouteille en métal sur roulettes.

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Le deuil en 5 étapes [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant