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- Matthew, lève-toi, c'est l'heure, annonçais-je la voix morne.

Les yeux de Matthew s'entrouvrirent lentement puis, quand il vit la couleur du ciel, il se retourna vivement vers moi comme si il s'était fait électrifier :

- T'es fou ou quoi ? Tu n'as presque pas dormi ! Tu aurais dû me réveiller ! lança-t-il le ton chargé de reproches.

- C'n'est pas grave. Je n'avais pas sommeil après mon cauchemar.

Les traits de Matthew passèrent de la "semi-colère" à la désolation profonde.

- Oh, désolé. C'est juste que si tu t'étais endormis on ne se serait pas réveillés et...

- Je sais. Je suis désolé. Je ne le ferai plus, coupais-je sincèrement désolé.

- On n'aura plus à le refaire. Cette nuit on sera loin d'ici et on essayera de dormir l'âme tranquille, dit-il avec un sourire.

Et malgré moi, je lui rendis son sourire.

- Content de te faire sourire Alexander. Partons d'ici tant que le jour n'est pas totalement levé.

Rien que le fait qu'il ait prononcé mon prénom me fit frissonner. On rassembla nos minces affaires et Matthew osa un coup d'œil entre les lierres. Personne, heureusement. Il dégaina son couteau et d'un geste précis, rapide et fort, il découpa le lierre qui tomba mollement sur le sol.

- Approche, me dit-il, je te fais la courte échelle.

J'examinai la profondeur de notre abri. Entre le fond et le haut, il y avait bien deux mètres. C'est sûr que seul je n'aurais pas pu en sortir.

- Et toi ? demandais-je.

- Ne t'inquiète pas, j'ai escaladé plus haut.

- Mais on n'aurait pas pu tomber plus bas... rétorquais-je amèrement.

Matthew grimaça un peu. Cette vision me fit de la peine.
J'essayai de rattraper la situation.

- Mais tant mieux pour toi, le sport et moi ça fait deux.

Je m'approchai de lui, mis ma semelle sur ses mains jointes et posai une main sur son épaule. Un contact qui paraissait normal, mais qui me sembla pourtant tellement intime. Quand il commença son ascension, je vis les muscles de ses bras se dessiner encore plus fortement que ce qu'ils ne l'étaient déjà.

- Moi, je trouve que quand tu es poursuivi par des Nazis, tu cours plutôt vite, dit-il le souffle légèrement coupé par l'effort de hisser ma masse corporelle sur plusieurs dizaines de centimètres.

Un léger climat amical s'installa. Ça me convenait même si, dans un coin de mon esprit, j'en voulais plus. Vraiment plus.

- Merci, répondis-je sarcastiquement. Si tu n'étais pas en train de m'aider, je t'aurais broyé les doigts avec mes pompes.

Évidement, c'était faux.

- Mais j'apprécie le compliment, poursuivais-je le ton encore plus sarcastique.

Sur ces paroles, je me hissai hors du trou. Les premiers rayons de soleil n'allaient pas tarder.

- Tu ne l'aurais pas fait, tu tiens trop à moi. Au moins pour ta survie, répliqua t-il d'une voix douce.

«Si tu savais» me dis-je alors.
Et totalement indépendamment de ma volonté, ma bouche lui demanda «Pourquoi ? Toi pas ?», accompagné d'un rire moqueur vers la fin de la phrase pour cacher mon lapsus.
Qu'est ce que je venais de dire ? Je fermai les yeux comme pour encaisser le coup que je pensais qu'allait être sa réponse.

Jusqu'au bout. [Boyxbox]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant