Romane s'effondra au sol sur son flanc, de tout son long ; elle se tordait le ventre de rire. Bientôt, Vince la rejoignit, à genoux, tout aussi hilare qu'elle.
Après s'être rendue compte qu'elle n'avait nulle part où aller – surtout si ses grands-parents dormaient encore, d'autant plus qu'elle avait gardé la chemise ouverte pour ne pas serrer son dos – Vince l'avait convaincue d'aller chez lui. Ou plutôt chez eux, puisqu'il était en fait le colocataire de César. Quand elle accepta, elle se demanda dans quoi elle se lançait, mais elle haussa les épaules. Elle n'avait pas peur d'autrui, contrairement à ses parents. L'appartement était à quelques minutes à pieds, dans immeuble au style ancien. Les deux amis logeaient sous les combles, mais avaient un joli point de vue sur le reste du Quartier depuis un petit balcon.
Romane avait découvert en Vince l'exact opposé de César. Le jeune homme blond avait un visage aussi doux que celui de son ami était incisif. Son regard doré se posait sur les gens comme un voile léger, et son sourire était toujours franc et tendre. Son petit nez était parsemé de tâches de rousseur, comme celui Romane, et ses joues rougissaient souvent. Calmes, fluides, presque coulants, les mouvements de Vince ressemblaient parfois à de la danse ; pourtant le jeune homme semblait toujours être nonchalant, ne jamais faire d'effort particulier pour avoir du charme – ce qui faisait qu'il en avait d'autant plus. Comme disait Virginia Woolf, c'était comme si milles bougies brûlaient en lui, sans qu'il n'en ait allumé aucune.
Une fois dans l'appartement, qui était petit mais suffisamment bien agencé pour que ça ne soit pas gênant, ils réunirent tous les miroirs possibles pour tenter de montrer à Romane ce qui pendait de son dos. Ils n'y arrivèrent pas, même en tentant les positions les plus précaires, les plus absurdes et les plus complexes. Ils parvinrent seulement à rire durant de longues minutes de leur incompétence manifeste au maniement du miroir.
Sur le parquet, donc, Romane roula sur le ventre et sortit son téléphone, pour voir si quelqu'un s'affolait de son absence. Comme prévu, ses amies étaient bien plus inquiètes que sa famille. Elle répondit rapidement, sentant le regard amusé de Vince.
« Eh mais ! s'exclama-t-il soudain, en lui arrachant le téléphone des mains.
— Tu fais quoi ?! »
Il se releva et l'enjamba, puis pris une photo de son dos.
« On est vraiment des cons. Suffisait de prendre une photo. »
Nouveau fou rire.
Enfin, Vince s'allongea à côté d'elle et lui tendit l'appareil. Romane vit alors ses deux petites ailes, enfin, ce qu'elle supposait que c'était : pour le moment, elles ressemblaient surtout à deux poches gluantes greffées sur son dos.
« En gros, la membrane autour va se casser et hop, j'aurais des ailes ?
— En très gros. Ce ne seront pas tes ailes définitives, mais elles seront presque à leur taille normale. »
Romane déglutit. Les poches étaient déjà immenses, tombant jusqu'aux creux de ses reins, et pesaient beaucoup.
« Eh. »
Elle le regarda, plantant ses yeux dans les siens.
« C'est normal d'avoir peur. Je te raconte pas quand mes cornes ont poussé, comment j'ai flippé. Moi aussi, ça m'a percé la peau, moi aussi ça m'a fait saigné. Mais tu verras, bientôt, tu pourras plus t'en passer. »
Elle sourit. Il était bien plus doué que César pour réconforter les gens.
« Petit film ? Talia m'a dit qu'elle ne tarderait pas, je crois qu'elle est assez excitée de voir enfin une Ailée avoir ses ailes.
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Emancipation
ParanormalQuand l'émancipation devient son seul choix, Romane, jeune fille anonyme, devient la leadeuse d'une communauté persécutée. Lorsque des ailes percent son dos, elle refuse la vie cachée qui l'attend. Se découvrant des ressources insoupçonnées et de n...