Chapitre 4

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"Eh Romane, c'est qui ce beau gosse devant le lycée là, qui te regarde ? »

La rousse sursauta et se pencha à la vitre de la classe. Une grande silhouette se dressait sur l'autre trottoir, en face d'elle, et semblait en effet regarder dans leur direction. Elle se tourna vers son amie qui la regardait, un sourcil levé de curiosité.

« Bah, je sais pas, sûrement un pote... et comment tu vois que c'est un beau gosse, il est à l'ombre avec une capuche !

— J'ai le flair pour ça. »

Romane éclata de rire ; elle n'en doutait pas. En réalité, elle avait menti : la silhouette qui s'agitait dans l'ombre était César ; ils avaient rendez-vous après les cours. Elle n'avait eu aucune peine à le reconnaître, même encapuchonné comme il l'était, puisque c'était la troisième fois qu'ils se voyaient depuis le soir au bar. Et puis, quand il braquait son regard vers elle, ses yeux miroitaient comme ceux d'un chat.

Quand la sonnerie retentit dans le lycée, Romane bondit de sa chaise et – faisant bien attention de ne pas claquer son sac à dos sur son dos – se précipita dans les escaliers. Le lycée était devenu un vrai calvaire : sa peau la faisait souffrir comme jamais, et même les onguents de sa grand-mère n'y faisaient rien. La chaleur lui menait la vie dure, elle qui devait toujours se couvrir le dos de vêtements amples ; sans parler des interminables cours d'EPS. S'appuyer contre sa chaise était devenu impossible depuis longtemps, et elle craignait de plus en plus les bousculades fréquentes dans les couloirs étroits. Raide, épuisée, percluse de douleur, elle ne parvenait pas à apprécier l'été qui arrivait. Ses seuls moments de réconfort étaient avec César, ou à l'abri des regards dans sa chambre.

Elle sauta dans les bras de César, les larmes aux yeux à cause de toute la tension qui la quittait quand la journée était enfin finie. Il la serra dans ses bras, faisant bien attention de ne pas toucher ses omoplates.

« Cassons-nous d'ici. Je n'en peux plus, murmura-t-elle en se dégageant et croisant les regard trop curieux de ses camarades.

— Bien d'accord. Je déteste être en ville. »

Il rabattit un peu plus sa capuche, si bien que son visage était presque invisible ; ne restait que sa mâchoire carrée et sa bouche, d'habitude toujours souriante ou enjouée, crispée par l'angoisse. Il lui avait dit que c'étaient les premières fois qu'il sortait de son quartier depuis de longues années, et qu'il craignait toujours que l'on voit ses yeux. Pourtant, il tenait à venir la chercher à la sortie du lycée.

Ensemble, ils cheminèrent en silence jusqu'au Quartier. Une fois qu'ils y pénétrèrent, entourés des leurs, César se dégagea de sa capuche et Romane de son gilet, tout deux soupirant d'aise. Le jeune homme passa une main dans ses cheveux de jais avant d'écarter les bras vers le ciel et de s'étirer longuement, ses lèvres ayant retrouvé leur sourire. Romane voulut faire de même mais la douleur lui bloquait les épaules, et elle gémit en rebaissant ses bras, déçue.

« Alors ton dos ?

— Je craque ! C'est invivable, je te jure que je vais péter les plombs et rester sous ma couette tout l'été.

— Je peux jeter un œil ? »

Elle se tourna et dégagea son épaisse chevelure rousse de son dos. César hoqueta de surprise : le spectacle faisait peur à voir. La peau semblait prête à craquer, pleine d'hématomes, toute déformée, malgré la couche d'onguent qui la rendait luisante. Il toucha délicatement l'une des excroissances ; Romane bondit en avant en criant.

« Ca empire, on dirait...

— Ouais. D'après le bouquin, ce n'est que le début de la galère.

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