Après moi

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Ceci est un mini one shot ⚠️

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Bien sûr que c'est difficile à imaginer.

Immobile. 
Silencieux. 
Il ne se tient pas droit, il n'y parvient pas. 
Debout face à un cercueil qu'il espérait pourtant ne jamais voir.
Les chuchotements de la foule frappent les murs poreux de la vieille bâtisse et meurent en s'évaporant dans l'air sans atteindre ses tympans.
Quelqu'un pleure, il ne sait pas qui. 
Il ne peut pas se retourner, son corps a cessé de lui répondre il y a plusieurs jours déjà.

On est des héros, ça pourrait arriver. 
D'autres sont morts avant nous.

Son cœur tremble dans sa poitrine, il se tord et se plie comme s'il cherchait à s'échapper, son corps souffre trop, il peine à respirer. 
La main qui se pose sur son épaule n'attire pas son attention, il ne peut pas la sentir.

Si ça m'arrive, j'espère que tu referas ta vie.
Je ne veux pas que tu passes ton existence à me pleurer.

Les pompes funèbres ont fait un joli travail, son visage semble dormir.
On ne distingue plus les bleus sous ses yeux ni la plaie de sa lèvre. 
Il donnerait presque l'impression d'être sur le point de se réveiller. 
Un espoir mesquin, il ne se réveillera plus.
Ses yeux ne s'ouvriront plus, il ne pourra plus jamais se perdre dans les reflets rieurs de ses iris. 
Sous ses paupières closes, son regard doit être terne, vide.

Il y a plein de monde sur terre,
 tu retomberas amoureux.

Non.
Ça n'est pas possible, il ne peut pas retomber amoureux. 
Il ne peut pas croire que tout est terminé. 
Il ne peut pas être mort, c'est impensable. 
Irréel.

Bien sûr que c'est difficile à imaginer.
Je n'ai pas envie de penser que tu feras l'amour à une autre personne.
Mais j'espère que tu le feras.

Il ne le fera pas. 
Jamais. 
Ça n'aurait pas de sens. 
L'amour n'avait de sens que dans ses yeux, à travers sa voix. 
L'odeur de sa peau, le chant de son rire, les ombres folles dans ses cheveux quand il les secouait sous les rayons brûlants du soleil au début de l'été. 
C'était ça, l'amour. 
Son amour.

De toute façon, tu ne pourras rien y changer.
Ca ne te servira à rien de t'asseoir devant ma tombe pour me parler, 
je n'y serais pas tu sais.

Debout. 
Il est debout. 
Pourtant il est à terre.
Touché.

Quelqu'un d'autre saura t'aimer.

Personne ne pourra l'aimer comme il l'a fait. 
Personne ne caressera sa nuque comme il le faisait pour l'aider à s'endormir quand ses muscles lui faisaient mal après une longue mission. 
Personne n'embrassera sa tempe comme il le faisait après l'amour. 
Il se souvient de toutes les fois, même celles un peu clandestines, quand ils partageaient un instant volé dans les vestiaires de l'agence, le dos contre un casier.
Personne ne pardonnera ses erreurs comme il l'a fait.

Tu apprendras à l'aimer aussi.
Tu y arriveras.

Il n'y arrivera pas. 
Il ne pourra plus jamais regarder le monde de la même manière. 
Ses yeux sont recouverts de buée, son cœur n'émet presque plus de sons.
Il est debout. 
Pourtant il est mort en même temps que lui.
Son corps est vide.
Rempli de vide, douloureux.
Le néant le dévore, il s'insinue partout sous sa peau, dans ses os.
Coulé.

Je serais peut-être mort,
mais toi tu seras vivant.
Continue de vivre sans moi, c'est tout.

Il n'est plus vivant. 
Il existe, mais il ne vit plus. 
Il respire, mais il ne sent plus. 
Il bouge, mais il ne vibre plus. 
Il n'est plus.

Tu sais, je t'aime.

Quelque chose bouge à côté de lui, ses muscles sont inertes mais il lève le regard vers l'homme en noir.

« Nous allons procéder à la fermeture du cercueil »

Il ne peut pas disparaître ainsi sous une plaque de bois.
Il ne peut pas accepter qu'il ne le regardera plus jamais.
Il n'a même pas eu le temps de toutes les embrasser, ses tâches de rousseur.
Il veut crier.
Que personne ne touche à ce cercueil.
Que personne ne touche à son corps.
Sa voix s'est éteinte, il ne peut plus parler.

Quand cette mission se terminera, si tu es d'accord, je t'épouserai.

Un réflexe. 
Sa main cherche sa peau. 
Glaciale.
Elle n'est même plus douce.
Il n'a pas eu le temps d'accepter sa demande. 
Pourtant, il voulait le faire. 
Il voulait vivre encore. 
Avec lui. 
Pour lui.

Parce que je sais que je t'aimerai toujours.
Même dans vingt ans.

Il s'éloigne. 
Sur les épaules de quatre inconnus qui emportent son corps.
Il ne le verra plus. 
Il n'embrassera plus sa bouche, il ne passera plus sa main dans ses cheveux. 
Il ne pourra pas l'épouser, c'est trop tard.
C'est terminé. 
Tout est terminé. 
Il emporte avec lui toute son existence. 
Sa lumière s'éteint, tout est noir maintenant. 
Plus rien n'éclaire son chemin, il ne peut plus avancer, il ne sait pas où il va.
A quoi bon mettre un pied devant l'autre quand la route s'écroule. 
S'il bouge, il tombera.

Et toi, tu m'aimeras toujours dans vingt ans, Kacchan ?

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Si tu es venu(e) lire ceci, salut à toi 🙂

Comme je vous ai dit, c'est vraiment un élan d'inspiration sorti de nul part, écrit en deux-deux entre deux paragraphes de "Être nous". C'est pas retravaillé et un peu brut mais j'avais envie de vous le partager, pour le plaisir. 

Je vous fait plein de bisous, je retourne bosser sur mon chapitre 😜

Après moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant