Le bruit des vagues.
C'est tout ce qu'il me reste.
Une mélodie qui chante inlassablement, de jour comme de nuit, sans jamais s'arrêter. Elle me berce quand je ne parviens pas à trouver le sommeil, me fait oublier mes larmes lorsque je me sens seule, efface mes peines quand tout devient trop lourd.
Le bruit des vagues.
Je n'ai jamais vu la mer. Ils m'ont amenée ici, les yeux bandés, les mains prises dans des bracelets de fer. Les cris des gardes résonnaient autour de moi, les appels des autres condamnés s'envolaient vers le ciel, mais je n'entendais pas. Un seul son perçait le silence.
Le bruit des vagues.
C'est tout ce qu'il me reste.
Ils viennent. C'est aujourd'hui.
L'écho de leur pas troublent la parfaite harmonie du bruit des vagues, tout vacille. Ils ouvrent la porte, la clé tourne dans la serrure. Son grincement est aussi violent que les vents gémissants des tempêtes. Eux seuls peuvent troubler le bruit des vagues.
Ils me bandent les yeux et m'emmènent. La mélodie s'est arrêtée. Je frissonne.
Une autre porte s'ouvre, nous somme dehors. Ils me poussent sur un escalier de bois, je le sens sous mes pieds nus. Les vagues chantent à nouveau, leur harmonie résonne plus fort, elle emplit mon corps comme le premier jour, et tout le reste s'efface.
Ils me retirent mon bandeau. Prononcent quelques mots. J'ouvre les yeux.
La mer. Plus belle que tout ce que j'avais pu imaginer. Infinie. Et translucides, souples, changeantes, les vagues.
Ils m'agenouillent sur le plancher de bois. Les vagues s'élancent sur le sable, viennent mourir sur le rivage et reviennent vers la mer dans ce refrain qui me paraît si familier.
Un homme lève sa hache.
Des perles d'eau salée coulent sur mes joues. Je ferme les yeux. La mélodie emplit mes oreilles, ma poitrine, mon être tout entier. Je suis la mer et mes larmes sont ses vagues.
Un sifflement aiguë déchire l'air. Un choc sourd. Puis le silence.
Un sillon écarlate descends lentement vers la mer.
Seul, reste le bruit des vagues.