Prologue

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Prologue

Tu n'es qu'une pute…

Je me réveille en sueur. Un cauchemar, le même. Encore et toujours le même... Je me donne à lui, moi âgé de seize ans, amoureux et désireux d'être aimé en retour. Mais il ne m'aime pas, je le sais maintenant. Il ne voulait que mon corps pour le posséder. Le faire sien sans prendre en compte mon plaisir ni ma douleur. C’est toujours la même chose. Je refuse, mais il me force à me cambrer puis me pénètre brutalement. J'ai mal. Je le supplie d'arrêter, sauf qu’il s'en moque. Il me traite de putain. Me déchire de l’intérieur avant de disparaître en me laissant là, l'âme en miette et incapable de bouger.

Où suis-je ?

Cette question, je me la pose après chaque rencontre.

Où suis-je ?

Parfois ça devient, pourquoi suis-je ici ? Une façon pour mon cerveau de nier le mal qui ne cesse de se frayer un chemin dans mes veines. Il avance, centimètre par centimètre, empoisonnant petit à petit mon corps. Pourtant, je sais très bien où je me trouve. Enfin, je sais ce qui m'a conduit ici, car l'endroit change constamment. Une fois de plus, je n'ai pas su faire taire mes envies. Ce besoin de corps chauds contre le mien, à l'intérieur de moi. Je ne devrais pas... C'est mal, je le sais. Je suis déviant, malade, anormal. Après ce qu’il m’a fait, je devrais le savoir ; le sexe entre hommes n'est pas bon. Un vice. Une tentation du mal. Je suis tellement faible.

Malgré mes vingt-quatre ans, je n'arrive plus à m'en passer. J'ai essayé ! Croyez-moi, j'ai essayé d'être comme tout le monde. J'ai pris des femmes, mais aucune n'a su me combler comme eux réussissent à le faire. Eux… mes amants d'un soir, différents chaque fois que je cède à mes envies.

Et ce soir, j'ai encore craqué...

Le Dirty's.

Ce fameux bar gay où je passe toutes mes soirées de débauche, de dépravation. Car c'est ce que c'est, non ? De la débauche, ni plus ni moins.

À chacune de mes visites, je finis adossé au comptoir en attendant que le lion daigne s'intéresser à la proie que je suis. Ça marche tout le temps, puisqu’ils finissent par mordre à l'hameçon.

— Salut Noah ! Comme d'habitude, je suppose ?

La voix de Nick me sort de ma contemplation. C'est le seul mec de cette boîte avec qui j'entretiens un semblant de lien. Il ne me pose pas de question sur ma vie, en échange, je lui fais la conversation le temps de trouver mon potentiel plan cul.

— Comme d'hab’, ouais. Tu me connais par cœur, dis-je, avec un clin d'œil terriblement innocent.

Entre lui et moi, rien d'ambigu. Je suis son ami, pas sa consommation du moment.

— Déjà occupé à chasser ? me demande-t-il.

Décidément, ce mec me connaît trop bien. Je lui envoie mon sourire d'ange puis retourne à mes occupations. Oui, je suis en chasse. Ou j’attends plutôt qu'on se décide à me prendre comme proie. Cette boule dans le creux de mon estomac ne dictera pas mes pensées. Pas aujourd’hui. Ce soir, je me laisse porter par mes pulsions et l'excitation grandissante dans mon pantalon.

Mon whisky dans la main, je me délecte de cette sensation de chaleur qui coule le long de ma gorge, toujours en épiant cette salle bondée de mâles en rut. Certains dansent de façon très explicite, d'autres s'embrassent ou se tripotent sans prêter attention à ce qui les entoure. C'est ce que j'aime dans ce bar ; pouvoir être soi-même sans que personne ne se soucie d’avec qui on danse, ni de qui on se tape.

Un regard attire mon attention et je devine que ma quête arrive à son terme. Le clin d'œil que j’adresse à mon ami le barman lui fait comprendre que je suis sur le point de partir. Il me lance un signe de la main puisqu’il sait que je ne le reverrai probablement pas avant ma prochaine crise.

Ce soir, mon chasseur est blond, des épaules larges ainsi qu’un torse magnifiquement bien sculpté, ne donnant envie que d’une chose, le lécher jusqu’à perdre la raison. Vu l’appartement où il m’emmène, il doit être avocat ou architecte.

Aucun chance qu’un mec avec un job lambda n’arrive à se payer un endroit pareil… 

À peine passe-t-on le pas de la porte qu’il se colle à moi. Son énorme queue frotte contre mon ventre alors qu’il me conduit en direction de sa chambre sans lâcher ma bouche. Ça pourrait être romantique, sauf que je ne le suis pas. Et lui non plus apparemment. Ses lèvres ont un goût de cigarette mêlé aux embruns du whisky. Sûrement celui qu’il a bu au bar avant que nous partions.

Je recule de quelques centimètres pour l’observer du coin de l'œil. Son corps de rêve m’obsède et je refuse d’attendre une seconde supplémentaire. Lorsqu’il tombe sur son lit, je descends sur sa queue. Celle-ci est lourde dans ma paume. Attirante, je m’empresse de la prendre en entier, la titillant de haut en bas, jouant avec ses terminaisons nerveuses pour lui tirer le maximum de gémissements. L’une de mes mains caresse ses couilles tandis que la seconde agrippe fermement sa cuisse.

Je le répète, pas de sentiments ! Il n'y a rien que le sexe qui compte…

Alors qu'il me baise la bouche, j'en veux plus. Lui aussi, si je me fie aux sons qui lui échappent. Il se relève, m’attire à lui et me retourne face à l’immense baie vitrée. Le visage bloqué contre la fenêtre, il me prend intensément. Sans aucune délicatesse. Sans ménagement. Il me remplit, me fait sien.

Oui, ce soir, j’ai cédé. J’ai cédé afin de prendre mon pied. Il faut avouer que mon amant baise comme un Dieu. Je regretterai presque que ça ne se reproduise pas, car pendant un instant, un court instant, il n'existe plus qu'un mélange de bonheur et de pur plaisir.

Maintenant, plus rien n'a d'importance. J'ai fait ce que j'avais à faire pour calmer mes pulsions, enrayer ces pensées obscènes qui ne me quittent jamais. Celles qui font que je suis déviant.

Seulement le suis-je réellement ?

Je me rhabille en silence. Mon chasseur dort comme un lion repu au milieu de son lit défait. Demain matin, il ne se rappellera pas de moi. Pas vraiment. Pour lui, je ne serai qu’un bref plan cul, ce qui me convient très bien.

Une fois dehors, je hèle un taxi pour rentrer chez moi.

Dans peu de temps, le dégoût viendra reprendre sa place, m’assénant un coup de pied magistral dans le ventre. Je me sentirai mal, au bord du gouffre. Puis ça partira. Ça finit toujours par passer.

Toutefois, plus mes crises se succèdent, pire c'est. Chaque fois, je sombre plus profondément dans les abysses, une noirceur qui parviendra un jour à me retenir. Je serai tellement enlisé que la remontée sera impossible. Pourtant, aujourd'hui encore, je peux le surpasser, comme je le fais depuis huit ans. Quand le porno derrière mon écran ne me suffit plus, j’accepte de me faire baiser par des inconnus, avant de m’assommer de cachets pour ne plus rien ressentir. Comme un pansement, l’oubli n’est que temporaire, mais il me permet de retarder ma sombre fatalité. Que ce soit mon dégoût ou ma propre personne, tout disparaît.

Alors que je monte dans le premier taxi qui s’arrête à ma hauteur, je me passe une main sur le visage. Je me hais, mais je suis comme un drogué accroché à son héroïne. Incapable de vivre sans. Un jour, je disparaîtrai de ce monde en ne laissant rien. Je ne manquerai à personne pour la simple raison que je n'ai personne. Je n’ai jamais été aimé, pas même par moi.

Je ne me suis jamais autant trompé...

Broken Soul (SOUS CONTRAT D EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant