13 mai 1519
Journal, petit sot muet !
L'heure est grave. Mais quelle heure est-il, au fait ?
Peu importe.
En début de matinée, alors que je m'amusais à escalader le ballon de la nef d'Ambrosius - inutile de préciser que Papa a frôlé l'arrêt cardiaque fatidique -, j'ai constaté que les cheveux du Prêtre de l'Espoir Inébranlable étaient plus longs, plus doux et plus soyeux que les miens.
No entiendo.
En redescendant, sur la demande de mon père, j'ai éclaté d'un rire généreux et sonore. Athanaos m'a lancé un regard amusé ; Ambrosius a souri en se massant le menton, le nez fourré dans son livre ; Papa, quant à lui, a soupiré avant de me serrer si fort que mes poumons ont crié à la tentative de meurtre.
Je l'aime tant.
Tout cela pour te dire que mes cheveux à moi sont très emmêlés à cause du vent et de mes sauts en hauteur.
Oh. Autre chose, ouvrage vierge et sans importance : j'ai trouvé, cachés dans mes longues mèches terre d'ombre, deux cheveux blancs.
Deux
cheveux
blancs.
C'est original ! Curieux et peut-être préoccupant, mais original ! C'est sans doute à cause de toutes ces nuits blanches que j'ai passées à pester contre les filles de la cour, M. Berdugo, Natalia et... les frères de Papa. Ou encore toutes celles durant lesquelles j'ai échappé au couvre-feu pour épier des soldats en plein entraînement et user du fouet de Papa en cachette, dehors.
Il vaut mieux pour nous deux que tu chasses cette dernière phrase de ta mémoire.
Mon petit doigt toujours bandé me souffle qu'il s'agit peut-être d'un avertissement : telle est ma sentence pour souiller les chevelures de tous les adultes qui croisent ma route de filets blanchâtres.
Je sais, je suis drôle.
Mais aussi étrange que cela puisse paraître, ce n'est pas ce dont je voulais te parler. Tu es, à vrai dire, la seule chose avec laquelle je peux librement converser en ce moment.
Et pour cause, cher collection de papiers morts - pas ma meilleure trouvaille, je le conçois -, je suis enfermée.
Seule. Dans la cave de ma maison. Couchée sur le ventre. Dans le noir. C'est humide. Et calme. Trop silencieux. Noir. J'étouffe.
Seigneur.
Papa n'étant pas là, Erica ayant décidé d'aller rendre visite à sa famille et de ne revenir que demain matin, Natalia en a profité pour me jeter dans le lieu maudit avant de refermer la porte et repartir en sifflotant comme une alouette malformée.
Oh, désires-tu, compagnon d'infortune, avoir toute l'histoire depuis le début ? Soit !
En quittant de nouveau la maison quand Papa est retourné dialoguer avec un ancien patient, je suis tombée sur une petite famille, installée dans une allée isolée, dans la saleté et l'obscurité.
Une envie irrépressible et soudaine de régurgitation est remontée le long de ma gorge serrée, et une sensation fort désagréable a comme comprimé tout mon ventre quand mes petits yeux en amande les ont étudiés.
Le père de famille, dont le corps était parsemé de cicatrices et de taches noires, respirait difficilement.
La mère de famille suait beaucoup, endormie sur l'épaule de son compagnon.
La première fillette, visiblement plus âgée que moi, semblait épuisée et partageait avec l'autre fille, elle sûrement plus jeune, un morceau de pain durci par le temps.
Mon cœur, cet organe semblable à une pompe aussi puissante que fragile, a subi un second pincement quand elle a demandé à son papa où ils allaient pouvoir dormir dorénavant. Sa grande sœur a ensuite levé des pupilles tristes vers sa maman avant de marmonner qu'elle donnerait tout pour une jolie robe bien chaude.
Ils ont évidemment fini par remarquer ma présence et, sans un mot, j'ai regagné mon chez-moi à la vitesse d'une étoile filante. Je me suis munie de tout ce qui me tombait sous la main : des tomates mûres, du fromage, de l'eau, du pain et les trois dernières robes en velours qu'avaient confectionnées Natalia la veille avant de les étaler sur mon lit.
Ignorant les protestations de Linda, la mère, j'ai tendu au papa et aux filles le contenu de ma sacoche marron, et mon porte-monnaie avec mes économies. Il se faisait très tard. Le ciel était capricieux. C'est donc après m'être maladroitement extirpée des bras de l'aînée et avoir souri au père, qui s'est confondu en remerciements, que je suis rentrée.
Malheureusement pour moi, le volcan Natalia a décidé de me faire payer onéreusement ce vol, et mon escapade nocturne, sachant que Papa n'allait pas nous rejoindre de sitôt. Elle jubile, cette vache.
Je suppose que je ne souperai pas, ce soir.
Vieille peau hypocrite. Ne t'en fais surtout pas, petit journal immonde, ce n'est sûrement pas ça qui m'empêchera de retourner les voir la semaine prochaine.
Bon, ma bougie va bientôt m'abandonner, je dois cesser de t'écrire.
Mais ne t'inquiète pas pour moi, je survivrai.
À demain (je ne peux pas t'offrir un joli pétale de fleur pour le moment, et je n'ai pas les outils nécessaires pour dessiner non plus, alors je tâcherai de revenir le faire plus tard).
I.
Chose promise, chose due, vieux machin :
I. 🌺
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LE JOURNAL DE LAGUERRA
Fanfiction« 𝐉𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐥𝐚 𝐟𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐝𝐮 𝐃𝐨𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫 𝐅𝐞𝐫𝐧𝐚𝐧𝐝𝐨 𝐋𝐚𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐚. » - Señorita Laguerra. Laguerra est une espionne. Laguerra est une alchimiste. Laguerra est une duelliste. Laguerra est une aventurière. Isabella est beaucoup d...