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Les jours suivants étaient plutôt calmes. Le week-end étant terminé, j'étais retourné en cours dès le lundi matin. J'avais posté quelques images du festival et elles avaient emballé mon public. J'en étais ravie !
Ayant tardé à me coucher, j'avais eu du mal à me lever et j'étais donc en retard pour mon premier cours. Je courais pour tenter d'arriver à l'heure, bousculant certains étudiants au passage et m'excusant tant bien que mal. Mais ce fut un échec. Arrivée en face de la porte, je regardais à travers le hublot. Le cours avait commencé. Le professeur d'histoire de l'art n'aimait pas les retards, ce n'était pas bon pour moi. Pour ne pas me faire repérer, je décidais de rentrer par la porte se trouvant en haut de l'amphithéâtre. Je grimpais donc les escaliers à la hâte. J'observais de nouveau à travers la vitre et décidais que je me faufilerais quand il notera quelque chose au tableau. Et il le fit plus rapidement que je ne le crus. Vite ! Sans perdre une seconde, je poussais la porte pour entrer et m'asseoir sur le premier siège qui arriverait. Mais c'était sans compter sur le grincement horrible de cette traîtresse de porte qui me fit repérer à la seconde même où je posai la main sur elle. Je fermais les yeux, regrettant mon existence à cet instant. Pour la discrétion, on repassera ! Une fois le silence revenu, le professeur me toise d'un regard dédaigneux.
- Mademoiselle... ?
- Park, Monsieur.
- Mademoiselle Park. Votre nom me dit quelque chose... Vous serez priée d'arriver à l'heure à mes cours dorénavant. Un nouveau retard et je vous exclurais de l'histoire de l'art. Est-ce bien compris ?
- Oui, Monsieur Stinson. Je m'excuse.
Je m'installais rapidement et en silence, observée par l'entièreté des personnes présentes. Sois environ 200 étudiants... La journée commençait bien...

Le reste de la matinée se passa bien. Pas de nouveau retard à déplorer et mes devoirs étaient fait donc je pu répondre aux sollicitations et rendre le travail demandé. J'avais rejoint Édith à la fin de la première heure de cours qui ne s'était pas caché pour se moquer de moi.
- Eh bien, Mademoiselle Park, comme ça, on arrive en retard ?
- Oh, ça va ! Je préparais mes photos pour de futurs posts. J'ai pas fait attention à l'heure et voilà...
Édith éclata de rire. Je la regardais d'un air mauvais.
- Ah l'erreur de débutant ! En tout cas maintenant, tout le monde te connaît !
- Je m'en serais bien passé... Tant pis. C'est ma faute.
Avec Édith, nous nous sommes rencontrées en début de première année. Nous étions deux jeunes un peu perdues dans cette ville au milieu de la ville, voisines dans la cité universitaire et surtout, dans le même cursus avec la même passion pour l'art. Le destin. Très vite, nous étions inséparables. Et depuis, nous ne nous quittions plus. Même pas pendant les vacances. En effet, nous préférions rester dans notre magnifique chambre de 9m² plutôt que de retourner chez nos parents. J'étais de toute manière une déception pour eux. J'avais refusé de devenir avocate ou médecin comme ils le souhaitaient. J'ai donc préféré prendre un petit job étudiant et prendre mon indépendance plutôt que dépendre d'eux et leur être redevable. Et pour Édith, il valait mieux pour elle couper les ponts avec une famille toxique.
C'est ainsi que nous étions devenues tout l'une pour l'autre.

La pause déjeuner arriva rapidement. Je mourais de faim ! N'ayant pas pu manger le matin même, j'accueillais ce repas avec bonheur. Avec Édith, nous allions au restaurant universitaire apprécier la merveilleuse nourriture trop sèche et fade qu'ils proposaient. Un pur délice à cet instant. Quoi qu'on en dise !
Mon après-midi était plutôt calme. Un cours prévu en fin de journée, mais rien de plus. Je décidais alors d'aller à la bibliothèque pour travailler tandis que mon amie allait en cours. Eh oui, les options ça prend du temps ! J'étudiais pendant environ deux heures et demi quand la fatigue me pris. Je fermais donc mon livre et me frottais un peu les yeux. Je laissais échapper un long soupir. Il était temps que je change d'air. Je laissais mes affaires sur place et allais au distributeur mis à disposition dans le couloir pour prendre quelque chose à grignoter et à boire. J'en profitais pour aller à l'extérieur prendre un peu le soleil et m'aérer l'esprit. Après cette petite pause bien méritée, je retournais à l'intérieur avec la décision de stopper les révisions pour m'intéresser à mes photos. Alors que j'arrivais à ma place, je constatais que mes affaires avaient bougé. Je les vérifiais. Il ne manquait rien. Je ne comprenais vraiment pas... Même mon ordinateur portable était encore dans mon sac... Ça n'était vraiment pas logique. Ne cherchant pas plus loin, je m'installais et allumais l'ordinateur. Il était temps de travailler sur mon compte !
Je cherchais dans les différentes photos prises pour choisir celle que j'allais poster aujourd'hui. Je choisis celle qui montrait le magnifique paysage fleuri du parc, avec dans l'angle bas à gauche, la petite tente de la fameuse sorcière. Je me mis à ricaner doucement dans mon coin en repensant à cet instant sous l'abri en toile. Vraiment ridicule tout ça.
Je retravaillais l'image pour améliorer les couleurs et le contraste. Une fois satisfaite, je postais enfin ma création. Les likes arrivèrent rapidement. Les commentaires étaient élogieux. J'étais fière de cette facette de ma vie ! Le cours commençait dans environ trente minutes. Une flemme immense me prit. Entre la phase de révision et la phase travail pour le compte, je n'avais plus qu'une envie : rentrer me reposer ! Après une longue réflexion, environ deux minutes et demi, je décidais de sécher le cours. J'envoyais un message à Édith pour l'avertir de mon départ. Après avoir reçu une réponse remplie de mots doux qui me fit rire, je rassemblais les affaires. C'est alors que quelqu'un arriva en face de moi. Je levais la tête, étonnée et attendis que la personne prenne la parole.
- Salut !
- Euh bonjour.
- Vous me reconnaissez ?
Je réfléchissais un instant avant de me remémorer son visage.
- Ah oui. Vous êtes la jeune fille du festival, c'est ça ?
Un immense sourire illumina alors ses traits. Elle semblait heureuse que je l'ai reconnue.
- Oui, c'est ça ! Je suis contente de pouvoir vous revoir.
Je forçais un sourire pour rester polie. Si même ici, je devais la côtoyer...
- Mais vous êtes de cette université aussi ?
- Oui, je viens de m'y inscrire.
- Oh. D'accord. Eh bien bon courage.
Alors que je commençais à partir, elle me retint par le bras.
- Attends ! On pourrait aller prendre un verre toutes les deux. On pourrait parler de ton travail.
Je fus étonnée de constater qu'à présent, elle me tutoyait comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Bien que je n'aimais pas ça, je préférais ne pas relever.
- Je suis désolée, je ne peux pas, là. J'ai déjà quelque chose de prévu.
La déception se lisait clairement sur son visage. Mais je n'en avais un peu rien à faire. Elle devenait vraiment trop invasive. En seulement deux rencontres, elle avait réussi à me mettre mal à l'aise au point de ne plus vouloir la voir. Je me dégageais le bras et repris ma route quand je l'entendis m'interpeller.
- C'est comme ça que tu traites tes fans ?
Je me stoppais net, la colère commençant à monter. Je me retournais pour lui faire face et lui dire ce que je pensais.
- C'est comme ça que je traite les stalkeurs. Les fans ne viennent pas me voir pendant que je travaille. Les fans ne viennent pas s'inscrire dans la même université que moi pour faire ami/ami de force. Ça vire au harcèlement.
Tandis que je terminais ma phrase, je voyais la jeune fille partir de plus en plus dans la fureur. Elle n'avait pas aimé ce que j'avais dit, mais il était temps de la remettre à sa place. Elle resta pétrifiée un instant, ne sachant comment réagir face à tout ça. Mais soudain elle prit son sac, qu'elle avait à l'épaule, et chercha dedans. Que pouvait-elle bien chercher de si important pour le faire maintenant ? Elle voulait me montrer sa collection de photos de moi ? Je commençais à souffler et m'apprêtais à partir définitivement quand je vis finalement ce qu'elle cherchait. La stupeur me gagna. Puis la peur. Je ne savais plus comment agir. Personne d'autre que moi n'avait vu ce qu'elle tenait. La bibliothèque s'était vidée petit à petit au fil des heures, et les derniers restants étaient absorbés dans leur travail, souvent avec de la musique dans les oreilles, ou même trop loin pour voir la scène qui se déroulait actuellement juste à côté d'eux. Je fis quelques pas en arrière, tentant de mettre de la distance entre elle et moi.
- Ne bouge pas !
Je m'arrêtais net à cette phrase. Elle ne criait pas, mais son ton était sec et me faisait clairement comprendre que je devais obtempérer. Elle restait immobile, le bras tendu vers moi. Je voyais le trou du canon me faire face et une sueur froide glissa dans mon dos. Je ne savais pas comment me sortir de cette histoire. J'étais pétrifiée devant cette arme qui me tenait en joue.
- Je suis désolée ! Allons prendre un verre si tu veux !
Je tentais ce que je pouvais pour la calmer. Elle voulait prendre un verre ? Allons-y ! Elle a mal pris ce que j'ai dit ? Des excuses et ça passe ! N'est-ce pas ? Je ne savais pas quoi faire d'autres. J'étais en mauvaise posture et ça m'empêchait de réfléchir correctement.
- Tu crois vraiment que tu vas te rattraper comme ça ?
- Écoute, je suis vraiment désolée. Qu'est-ce que tu veux ?
- Ce que je veux ? Je voulais juste être ton amie. Mais on dirait que c'est trop demandé pour Madame la photographe de renom.
- Je ne suis pas une photographe de renom... C'est juste un passe-temps pour moi.
- C'est ça oui. Je suis ton travail. Je vois bien le nombre de likes. Je sais qu'une galerie t'as contacté pour faire une exposition.
Je fus étonnée d'entendre ça. Personne ne savait ça. Je n'en avais jamais parlé. Pas même à Édith. J'attendais avant de le faire, car je voulais lui faire une surprise.
- Comment tu le sais ?
Elle fut surprise par ma question. Puis la gêne se fit sentir. Avait-elle révélé quelque chose qu'il ne fallait pas ?
- Je...
- Dis-le moi ! Comment tu le sais ?
Bien que ce fût elle qui tenait l'arme, c'est moi qui reprenais le dessus sur cette discussion.
- C'est mon père qui tient cette galerie.
La frustration et la colère montèrent d'un coup. Ça bouillonnait en moi.
- Donc, en fait, ce n'est pas grâce à mon travail que j'ai été contactée, mais parce que c'est le père de ma stalkeuse qui tient la galerie. Tu as dû te sentir grande et puissante quand tu as demandé à ton père de m'exposer. Je pouvais l'être grâce à toi ! Comment ne pas devenir amie, c'est sûr ! Sais-tu au moins ce que l'on ressent lorsque l'on est pistonné comme ça ?
- Je... Je voulais juste aider...
- Aider ? Parce le fait d'user de son influence, c'est aider ? Pas pour moi ! Je pensais être enfin reconnue, mais en fait, pas du tout ! C'est toi ! Tout est à cause de toi ! Je suis ridicule d'y avoir cru...
Cette fille, qui me faisait face, se sentait acculée par ce que je disais. Sa main tremblait et elle ne savait plus quoi dire ni quoi faire.
- Ne vient plus jamais me parler. Je ne veux plus avoir à faire à toi, c'est compris ?
Alors qu'elle restait sans rien dire, je fis demi-tour et commençais à partir.
- Attends !
Je me retournais, excédée.
- Quoi ? Tu veux quoi encore ?
Puis, alors que des larmes coulaient le long de ses joues, un énorme bruit brisa le silence de ce lieu bien trop calme.

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⏰ Dernière mise à jour : May 04, 2021 ⏰

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L'autre moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant