Au détour d'un carrefour

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Le moteur s'arrête. Les portières et les esprits s'ouvrent. Un vent chaud m'accueille à la sortie de la voiture. Mon carnet à la main, mon stylo à la poche, je vogue entre les mobil-homes en quête d'inspiration. Mes yeux ne font qu'effleurer chaque détail avec peu d'intérêt : les enfants traversant les allées à toute allure, les insectes parcourant la végétation, la brise soulevant les nappes et les linges pendus au dehors, les aînés se reposant à l'ombre de leur bungalow, ma peau baignant dans le soleil. Tout me parait fade. Mais, à la dernière intersection, mon regard se pose sur cette splendide jeune fille aux cheveux ébène, légèrement ondulés. Et alors, mes pupilles parcourent, analysent, captent, aspirent chacun des mouvements, chacune des mimiques, chacune des couleurs, chaque infime information qu'elles peuvent récolter de ce magnifique rayon de beauté. J'admire ses tâches de rousseur, ressortant davantage sous le soleil éclairant ses incroyables iris cyan. Sa longue queue de cheval glisse sur ses vêtements alors qu'elle se redresse, une fleur à la main, et de sa coiffure s'échappe une légère mèche en tourbillon sur le côté de son visage, qu'elle replace délicatement derrière son oreille. Je sens mes joues s'embraser, j'ai l'impression que mon cœur va sortir de ma poitrine. Je suis toujours figé sur place et, alors qu'elle sent la plante qu'elle vient de cueillir, un radieux sourire s'esquisse sur son visage d'ange. Puis ses yeux se tournent vers moi, encore fixé sur place. Nos regards se croisent un court instant, mais qui me paraît être une éternité. Je me redresse alors d'un seul coup, lui fait un rapide signe de la main qu'elle me rend, quelque peu confuse mais souriante, puis je rebrousse chemin en faisant mine d'être tout à fait naturel. C'est terrible, j'ai l'impression de ne plus savoir marcher, cligner des yeux ou même déglutir.

Enfin de retour à mon mobil-home, je me pose dans le fauteuil afin de souffler un grand coup. Tout le long du trajet, mon esprit n'a fait que penser à elle. Elle est si séduisante, c'est comme si elle m'avait envoyé un mauvais sort. Je suis entièrement tombé sous son charme. Je jette alors un coup d'œil à l'extérieur et la vois, comme à la recherche de quelque chose...Ou de quelqu'un. Serait-elle en train de me chercher ? Impossible, j'avais l'air beaucoup trop bête tout à l'heure pour qu'elle me porte un quelconque intérêt. Je ne sortis pas de toute la journée, encore bien trop secoué par cette rencontre, mais tandis que la Lune monte et que le camping s'endort, je me dirige à pas de loup vers un coin d'herbe, faiblement éclairé par un lampadaire. Je m'allonge dans la fraîcheur du gazon, pose mon carnet sur mon ventre et contemple les étoiles. Tout est parfait. Je me sens bien. Je savoure ce court et intense moment de bonheur. Je m'assois et me mets alors à parcourir les pages de ma plume. Des vers, des idées, des dialogues, je rédige chaque bribe d'imagination sur papier. Mais au fond de mon esprit demeure toujours cette merveilleuse fille aux cheveux de jais et aux yeux d'un bleu océan. De légers bruits de pas se font entendre, non loin de moi. Rien de grave, ça doit sûrement être un gardien ou un veilleur qui arpente les allées pour s'assurer que tout va bien. L'inquiétude croît peu à peu en moi, les pas se rapprochent et, la lumière m'éblouissant, je ne peux distinguer qui se dirige dans ma direction. Je fais alors mine d'être concentré dans mon travail mais toute mon attention se porte vers l'ombre grandissante. Dès lors que les premiers rayons viennent toucher la silhouette, je la reconnais immédiatement. Ce sourire, ces yeux, ces tâches de rousseurs, cette mèche qu'elle replace derrière son oreille, c'est elle. Je n'arrive pas à regarder ailleurs, je sens ma bouche s'entrouvrir, et je suis incapable de la refermer, mon cœur bat plus intensément. Cela ne dure que l'espace d'un instant avant que de ses lèvres s'échappe un "Salut.". Je secoue ma tête, prépare ma voix et réponds maladroitement : "Euh...Hey.

- Tu es le garçon de tout à l'heure, nan ? Enchantée, je m'appelle Violette. Et toi ?

- Euh...Isaac, enchanté également. Je te prie de m'excuser, ça ne m'arrive normalement jamais d'être aussi à l'ouest.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 01, 2021 ⏰

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La fille à l'hibiscusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant