Henriette de Malagny est une jeune femme brune, au charme calme et discret, benjamine d'une fratrie de quatre enfants. Ses grandes soeurs, bien plus âgées, sont mariées depuis longtemps. Son frère jumeau, César, est en pension à Paris. Elle seule vit encore avec ses parents, le comte et la comtesse de Malagny, dans leur château de la campagne berrichonne.
Ses heures de loisir, Henriette les occupe au jardin ou dans la bibliothèque à lire, à jouer avec son petit chat et à rêvasser. Taiseuse, secrète, la jeune femme a peu d'amis et passe le plus clair de son temps seule. Une seule personne semble trouver grâce à ses yeux : sa cousine et amie d'enfance, Madeleine. Mais depuis quelques mois, Madeleine est mariée à un jeune banquier suisse et vit désormais à Genève, loin de sa chère complice de toujours.
La comtesse de Malagny s'inquiète de ce que sa fille ne semble s'intéresser à rien, et surtout pas aux jeunes hommes vers lesquels elle la pousse. Elle aimerait tant que sa petite fille trouve un gentil mari, comme Madeleine... Hélas, Henriette demeure indifférente à tous les garçons qu'elle rencontre.
C'est l'été 1895 et Henriette fête ses 19 ans. Pour l'occasion, Madeleine l'invite à passer quelques semaines chez elle, en Suisse. Après un long voyage, les deux jeunes femmes se retrouvent avec joie et tendresse. Henriette fait plus amplement la connaissance d'Albert, le mari de Madeleine qui, sous ses airs sévères, se révèle finalement plaisant et spirituel. Les jours se succèdent et le bonheur n'est pas loin. Henriette se réjouit de son séjour helvète. Entre parties de cartes et longues promenades dans les valons alentours, la jeune femme se délecte de ces instants passés au vert, avec sa confidente d'antan.
Au cinquième jour, Albert annonce l'arrivée d'un ami pour quelques jours.
Joseph se présente au dîner. Il est élégant, élancé, bien fait mais point trop athlétique. Son regard béryl, vif et alerte, rencontre celui d'Henriette : il la toise, elle lui plaît. Lors de la partie de cartes qui suit le dîner, Joseph fait tout pour attirer l'attention d'Henriette.
Madeleine remarque bien vite ce manège. Sitôt qu'elle se trouve seule avec sa cousine, elle se livre à elle : « Henriette, Joseph vous dévisage avec tant d'insistance, nul doute que vous lui plaisez ». Henriette rit, les joues empourprées : impossible, elle n'est pas assez jolie pour plaire à un tel homme. « Un tel homme... » s'amuse Madeleine, mais elle n'insiste pas.
Le lendemain, Henriette sort se promener seule. Au détour d'un chemin, elle croise Joseph, qui lui sourit.
Dans le soleil du matin, les dents de Joseph que découvrent ses lèvres friponnes semblent prêtes à la dévorer. Henriette frissonne : « Que faites-vous ici ? ». « Je vous attendais » répond sobrement Joseph « je souhaitais marcher avec vous ». Henriette poursuit son chemin, silencieuse, fixant au sol l'ombre de Joseph, qui la suit de près. Ils marchent ainsi de longues minutes, sans un mot, jusqu'au château. Sur le perron, chacun regagne ses appartements, sans échanger un regard.
Une fois dans sa chambre, Henriette ressent un étrange sentiment de honte.
Les jours suivants, la jeune femme reprend ses promenades matinales et, chaque fois, Joseph la suit, à quelques pas d'écart, présence d'abord inquiétante puis familière, et même rassurante, dans son dos.
Au cinquième jour, à la fin de sa marche, Henriette sent une main sur sa taille. Elle se retourne, Joseph saisit son visage et l'embrasse. Elle s'étonne de lui rendre son baiser. Leurs bouches se séparent, tremblantes. Henriette court au château.