Vous venez d'où ?

3 0 0
                                    

            « Tu viens d'où ?

– De la bande de Gaza.

– C'est où ça ?

– En Palestine.

– C'est en guerre la Palestine, c'est pour ça que tu es parti ?

– Non. Je suis parti pour mon travail. Ma famille est restée là-bas. Quand on y était, on ne songeait pas à fuir, je ne connaissais même pas le mot « occupation ». Parce que l'on ne s'étonne pas de son quotidien. Là-bas, on ne se rend pas compte que des bombardements quotidiens, ce n'est pas une vie acceptable.

– Et maintenant, pourquoi tu ne dis pas à ta famille de te rejoindre ?

– Les Palestiniens qui restent voient parfois d'un mauvais œil ceux de l'extérieur, comme moi. Ils disent que l'on fait le jeu des Israéliens. Que l'on se soumet. Que l'on leur cède notre chez-nous.

– Mais la menace des bombardements d'Israël n'est pas plus grande que celle des Palestiniens qui vous en veulent ?

– Si, bien sûr... Chaque jour, chaque attaque dont j'entends parler, j'ai peur pour ma famille. Je parcours chaque fois la liste des morts avec un nœud à l'estomac. J'ai vu mon nom une fois, et j'ai dû attendre deux jours pour savoir que ce n'étaient pas mon père et mon frère que l'explosion en bas de notre immeuble avait emportés. Mais c'est aussi notre place, là-bas, en Palestine.

– C'est triste.

– Non, la situation à Gaza n'est pas triste. Dire qu'elle est triste, c'est se résigner un peu. La situation à Gaza est inacceptable. »

Adapté du témoignage de Amir Hassan, Palestinien, dans le journal Libération, 7 août 2018.

*   *   *

« D'où venez-vous ?

– D'une manifestation.

– Pour faire quoi ?

– Pour protester contre la restriction de nos déplacements, des déplacements de tous les Palestiniens, qui constitue une punition collective et une infraction au droit international.

– Vous étiez trois ?

– Les autres étaient occupés.

– Que pouvez-vous faire, à trois ?

– On est allés au poste de contrôle, à la frontière israélienne, et on a demandé qu'ils utilisent du matériel anti-émeute. Pour qu'on parle de nous dans les journaux.

– Et ça fonctionne ?

– Ils ont bien voulu utiliser leur matériel.

– On a parlé de vous aux journaux ?

– Non, mais on n'a rien de mieux à faire de toute façon. »

Adapté du roman Nous faisions semblant d'être quelqu'un d'autre, Shani Boianjiu.

Pourquoi je vais m'engagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant