Chapitre 1 : prologue

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Pas de flash lumineux, juste des journalistes qui clignent des yeux intensément pour prendre leurs clichés. Pas de micro, pas d'appareils apparents d'enregistrement, juste des oreilles attentives et des yeux qui s'efforcent de rester fixe.

Le doyen prend la parole. Il a les mains moites, les cernes creusés, un uniforme militaire repassé et ses médailles y sont épinglées. Pourtant, il n'y a pas de quoi être fière ce jour-là. Sa gorge est sèche, ses pensées embrouillées. Il ne laisse rien paraître, se concentrant sur le petit texte qui passe artificiellement devant ses yeux. Pour lui, les journalistes ne sont qu'une masse en arrière-plan. Tant mieux. Il n'aura pas à confronter leurs regards.

-Communiqué à destination de la presse : au moment même où je vous parle, une fusillade à lieu au sein du vaisseau transplanétaire qui fait le chemin entre la terre et Sylvae. À son bord, quelques professeurs, mais surtout trois cents élèves de l'école militaire d'officier supérieur interstellaire de France. Tous âgés entre 17 et 19 ans.

Il s'efforce de maîtriser sa voix. Il a déjà perdu des soldats par le passé. Il a déjà dû prévenir des familles de ces terribles nouvelles, mais la potentielle mort de la totalité de ses trois cents élèves ? C'était au-dessus de ses forces. Il n'avait qu'une envie : hurler de douleur, de rage, d'impuissance, de frustration, de se rendre lui-même dans l'espace pour les secourir.

Il est à bout, écrasé par le poids de l'inconnu et de la perte de ces jeunes qu'il réprimandait encore la semaine précédente, parce qu'ils couraient dans les couloirs de l'établissement militaire, parce qu'ils ne se tenaient pas assez droit, parce que leurs uniformes étaient froissés. Ses étoiles, sa plus grande fierté se retrouvaient recroquevillées dans un vaisseau à des dizaines d'années lumières d'ici, à attendre la mort.

Il a une seconde d'hésitation, pour reprendre son souffle, pour clarifier ses idées, une brèche dans laquelle se faufilent instantanément les journalistes, choqués par la nouvelle.

-Une fusillade ? Qui sont les assaillants ?

-Ah priori, ça serait des élèves.

« Mes étoiles qui tuent mes étoiles. Pourquoi je n'ai rien vu ? Pourquoi je n'ai pas empêché ce drame ? »

Nouvelle stupéfaction. Pourtant, les questions pleuvent de plus belle.

-Y a-t-il des victimes ?

-Oui, très probablement.

-Combien ?

-Nous ne savons pas.

-Comment comptez-vous les aider ?

Le doyen se senti fondre. Il remit instantanément son masque froid, son visage strict.

 -Nous ne pouvons pas. Le trajet dure encore vingt-quatre heures. Ils ont vingt-quatre heures à tenir.

Sylvae : Le Massacre des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant