Qui suivent, indolents compagnons de voyage, le navire glissant sur les gouffres amers.
La phrase tournait telle une ritournelle dans son esprit embrumé, l'empêchant de se concentrer sur quoique ce soit d'autre. Déjà, Sara sentait que son rêve, tout effrayant qu'il fut, se dissipait. A cette pensée, elle sentit le même frisson d'angoisse la parcourir. Elle n'aurait pas dû rêver.
Le navire glissant sur les gouffres amers.
Mais quel navire, et sur quels gouffres ? Sara se demandait si cela à avoir avec cette île déserte au milieu de l'océan. Elle savait ce que ces mots signifiaient, bien qu'elle n'ait jamais vu ni navire ni océan de sa vie, comme la plupart des autres résidents de l'Abri. A mesure que ses pensées s'éclaircissaient, elle s'aperçut qu'elle était la proie de forts maux de tête. A chaque battement de son cœur, une douleur aigüe pulsait dans son crâne. Le flux et le reflux permanent de ces vagues de souffrance venaient rythmer chacun des vers qu'elle se répétait sans cesse. Elle s'efforça de se calmer, travaillant sur sa respiration, en restant étendue, les yeux fermés. Elle aurait voulu s'assoir, mais elle se sentait maintenant nauséeuse et sans énergie .
De longues minutes passèrent. Elle naviguait toujours entre deux eaux, assaillie de vision de bancs de sable isolés et de navires aux voiles déployées. Elle n'était pas une petite fille échouée sur une plage. Elle était étendue sur une surface dure, inconfortable. Elle était nue, et tremblait de froid. Quel était le pire danger pour un naufragé? se demanda-t-elle. La faim ? La soif ?
La nausée et la migraine se firent moins intenses, tandis que sa faiblesse physique se faisait plus présente. Elle essaya d'organiser ses pensées. Elle était sévèrement déshydratée. Elle n'était pas dans son dortoir. D'ailleurs, elle était presque certaine de ne plus être dans l'enceinte de l'Abri. Elle ne savait pas exactement où elle se trouvait, mais cela lui reviendrait surement. Dans l'immédiat, elle devait se lever, et trouver de l'eau.
Sara ouvrit finalement les yeux, et redressa lentement. La pièce était sombre, éclairée faiblement par quelques tubes lumineux au plafond qui billaient d'une lumière douce. Elle était couchée sur un lit bas et étroit, entouré de parois qui lui donnèrent l'impression d'être dans un sarcophage. La couche semblait être au centre de la pièce, et à sa tête s'élevait une colonne. Cette disposition lui rappela les salles de réveil du centre médical de l'Abri. Elle balaya la pièce du regard, et repéra dans le mur situé à sa droite une étagère sur laquelle était disposés une bouteille et une pile de vêtements. Prenant appui sur les parois, Sara parvient à sortir du lit. Elle resta ainsi quelques instants, éprouvant la force de ses jambes, puis fit un pas hésitant. Elle chancela ainsi jusqu'au mur, et s'accrocha fébrilement au bord de la tablette pour ne pas tomber. La bouteille contenait un liquide transparent, à l'aspect sirupeux. Sur la tunique soigneusement pliée était imprimé le mot SKIDBLADNIR. Sara s'empara de la bouteille, but une longue gorgée, puis se laissa glisser, dos au mur, récupérant de son effort en attendant que la boisson régénérante fasse effet.
Le navire glissant sur les gouffres amers
Elle était à bord du Skidbladnir, et se réveillait d'un long sommeil. Elle ne se souvenait pas encore du départ, mais ne s'en inquiétait guère. Ses souvenirs allaient rapidement lui revenir désormais. L'amnésie passagère était un symptôme fréquent au sortir d'hibernation. Elle n'avait plus qu'a attendre que ses forces lui reviennent.
