⠀⠀雨❜ 𝖼𝗈𝗂𝗇:𝖼𝗂𝖽𝖾𝗇𝖼𝖾

514 34 93
                                    

« Il semblerait que nous n'ayons plus rien à nous dire, mademoiselle. »

Quelle mauvaise fin d'après-midi. Le ciel était gris et rempli d'épais nuages, l'air était empreint d'une fine poussière amère qui vous râclait la gorge, vous faisait avaler votre salive. Les dorures des temples et des toits ne brillaient pas, pas plus que le timide reflet du soleil dans l'eau habituellement si limpide et claire, devenue sombre et opaque. Tout semblait trouble, la gravité s'inversait, vous entriez dans un déplacement statique, une immobilité mouvementée, et les mêmes syllabes tournaient dans votre esprit, vous faisant perdre l'équilibre, chuter dans un long gouffre, une caverne sans fin plongée dans le noir, la pauvreté et la solitude.

Plus rien à nous dire, c'est cela ?

Vous vous apprêtiez à prendre une pause bien méritée après avoir terminé vos dossiers journaliers, et voilà que l'on vous escortait gentiment mais fermement vers la sortie, en soupoudrant la scène d'excuses excessivement polies et probablement très hypocrites. Toute votre fragile stabilité liyuèenne, que vous avez mis tant de temps à construire, se retrouvait ensevelie sous les gravats de l'impuissance et de l'incrédulité. Pitoyable tableau d'un immense échec. Peut-être que si vous aviez été encore plus productive, encore plus assidue, votre supérieur n'aurait pas été contraint de vous licencier, faute de revenus trop maigres, incapable de vous rémunérer un mois de plus. La Cité des Contrats est bienveillante avec les travailleurs consciencieux, disait-on.

Pas de place pour les sans-emplois dans votre genre.

Votre unique carton contenant vos rares effets personnels en mains, vous avez lentement passé le pas de la porte. Le bâtiment vous paraissait à présent désuet, ridiculement luxueux, comme s'il cherchait à vous admirer de toute sa hauteur pour mieux vous faire sentir misérablement impuissante, pour vous persuader que vous et vous seule étiez responsable de votre défaite.

Il vous fallait prévenir vos parents, maintenant. Se faire congédier n'était que la mise en bouche de ce qui vous attendait dans un futur proche. Le sort avait poussé votre famille a devenir des émigrés, loin de leurs terres et de leur Archon. Vous n'aviez que peu d'argent, cependant, vos parents continuaient à prier Rex Lapis, le Dieu des Moras leur faisant tant défaut. Leur force passée n'était plus qu'un lointain souvenir à présent. Votre père avait usé son corps aux travaux du Port, et votre mère, sa vue et sa dextérité à l'atelier de couture. Vous fûtes capable de soulager complétement leurs efforts ses dernières années, mais la nouvelle de votre licenciement vous faisait prendre conscience d'une chose capitale : vous pensiez avoir réussi à vous acclimater à Liyue, à ses coutumes et à ses traditions. Eh bien, vous pensiez mal. L'idée de devoir accepter que vos parents se tuent de nouveau à la tâche pour vous permettre de vivre vous était tout simplement insupportable.

Il se mit soudainement à pleuvoir des cordes et des torrents, tellement que les gouttières furent rapidement débordées et que votre visage déjà humide de larmes en devint trempé. Vous avez vite trouvé refuge sous un préau, dans un coin, pour ne point déranger. Les marchands installés en extérieur emballaient promptement leurs produits dans un léger murmure mi-rafraîchi, mi-ennuyé. Le son argentin de la pluie sur les dalles pavées faisait écho au roulement des vagues du Port. Une brise marine apportait jusqu'à vous des odeurs d'herbes mouillées toute juste tondue, de crevettes moelleuses encore crépitantes sur la plancha et de peinture fraîche. Un puissant sentiment de nostalgie s'emparait bout à bout de chacune des cellules de votre corps, vous faisant oublier pendant un court laps de temps votre épineuse situation.

Durant l'averse, votre regard vagabonda d'habitations en habitations, admirant l'architecture typique. Vos pensées se tournèrent vers Keqing, votre amie de longue date. Fondamentalement opposées l'une de l'autre à première vue, vous aviez réussi à vous frayer un chemin jusqu'au cœur de cette dernière, non sans difficultés et disputes, prouvant ainsi que les Moras, ou plutôt l'absence de Moras, dans votre cas - n'affectait pas la qualité d'une relation humaine. L'Alioth avait clairement exprimé par le passé son envie de vous trouver un travail bien rémunéré, car selon elle, vous vous sous-estimiez grandement. Mais vous aviez dû refuser maintes et maintes fois ses propositions, peu désireuse de rajouter du travail à la violette qui en avait déjà suffisamment. Il était quasi certain que si Keqing avait par hasard vent de votre situation actuelle, elle mettrait tout en œuvre pour vous réserver une place de choix au sein de l'élite liyuèenne. Néanmoins, vous vous sentiez capable d'arranger la situation seule, et un travail payé dans les normes suffisait pour vous permettre de vivre, vous et vos deux parents, dans une situation de classe moyenne respectable.

𝐇𝐎𝐔𝐒𝐄 𝐎𝐅 𝐌𝐄𝐌𝐎𝐑𝐈𝐄𝐒 ─ 𝗌𝖼𝖺𝗋𝖺𝗆𝗈𝗎𝖼𝗁𝖾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant