Acte IV

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ACTE IV, SCÈNE PREMIÈRE

DOM JUAN, SGANARELLE.

DOM JUAN.— Quoi qu'il en soit, laissons cela, c'est une bagatelle, et nous pouvons avoir été trompés par un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui nous ait troublé la vue.

SGANARELLE.— Eh, Monsieur, ne cherchez point à démentir ce que nous avons vu des yeux que voilà. Il n'est rien de plus véritable que ce signe de tête, et je ne doute point que le Ciel scandalisé de votre vie, n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de...

DOM JUAN.— Écoute. Si tu m'importunes davantage de tes sottes moralités, si tu me dis encore le moindre mot là-dessus, je vais appeler quelqu'un, demander un nerf de bœuf, te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups. M'entends-tu bien?

SGANARELLE.— Fort bien, Monsieur, le mieux du monde, vous vous expliquez clairement, c'est ce qu'il y a de bon en vous, que vous n'allez point chercher de détours, vous dites les choses avec une netteté admirable.

DOM JUAN.— Allons, qu'on me fasse souper le plus tôt que l'on pourra, une chaise, petit garçon.

SCÈNE II

DOM JUAN, LA VIOLETTE, SGANARELLE.

LA VIOLETTE.— Monsieur, voilà votre marchand, M. Dimanche, qui demande à vous parler.

SGANARELLE.— Bon, voilà ce qu'il nous faut qu'un compliment de créancier. De quoi s'avise-t- il de nous venir demander de l'argent, et que ne lui disais-tu que Monsieur n'y est pas?

LA VIOLETTE.— Il y a trois quarts d'heure que je lui dis, mais il ne veut pas le croire, et s'est assis là-dedans pour attendre.

SGANARELLE.— Qu'il attende, tant qu'il voudra.

DOM JUAN.— Non, au contraire, faites-le entrer, c'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. Il est bon de les payer de quelque chose, et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double.

SCÈNE III

DOM JUAN, M. DIMANCHE, SGANARELLE, Suite.

DOM JUAN, faisant de grandes civilités.— Ah, Monsieur Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord! J'avais donné ordre qu'on ne me fît parler personne, mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi.

M. DIMANCHE.— Monsieur, je vous suis fort obligé.

DOM JUAN, parlant à ses laquais.— Parbleu, coquins, je vous apprendrai à laisser M. Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

M. DIMANCHE.— Monsieur, cela n'est rien.

DOM JUAN.— Comment? vous dire que je n'y suis pas, à M. Dimanche, au meilleur de mes amis?

M. DIMANCHE.— Monsieur, je suis votre serviteur. J'étais venu... DOM JUAN.— Allons vite, un siège pour M. Dimanche.

M. DIMANCHE.— Monsieur, je suis bien comme cela.

DOM JUAN.— Point, point, je veux que vous soyez assis contre moi

M. DIMANCHE.— Cela n'est point nécessaire.

DOM JUAN.— Ôtez ce pliant, et apportez un fauteuil.

M. DIMANCHE.— Monsieur, vous vous moquez, et...

Dom Juan, Molière, 2'7Où les histoires vivent. Découvrez maintenant