Prologue

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J'évite d'y penser.  Malheureusement, plus je marche et plus j'y pense.  C'est plutôt nul.

Je dois me changer les idées.  Pour ce faire, pourquoi ne pas appeler ma mère?  Elle doit se morfondre, à l'hôpital...  Il n'y a pas grand chose à faire là-bas sauf peut-être regarder les lignes du cardiogramme bouger et essayer de lire des livres sur la vie.  Les livres que je déteste le plus!

J'essaie donc d'extirper mon téléphone de mon sac, et ce, dans le vide, puisque je me rappelle maintenant de l'avoir laissé dans ma chambre qui se trouve deux étages plus haut.  J'aurais dû y penser plus tôt.

Je tourne sur 180 degrés, monte les escaliers jusqu'au deuxième, marche jusqu'à ma chambre, entre et prends finalement mon téléphone gisant sur ma table de chevet.  Je regarde l'heure : neuf heures pile.  Parfait.  J'ai encore une demi-heure de libre.

Tout content, j'appelle ma mère.

- Après avoir laissé votre message, raccrochez, ou appuyez sur le cercle pour entendre plus d'options.

Je tombe directement sur la boîte vocale.  Étrange!  D'habitude, elle me répond tout de suite. Enfin bref.  Tant pis!  La prochaine fois sera la bonne.

Je me rappelle de l'heure.  Il doit être neuf heures et deux minutes, maintenant.  J'ai encore du temps devant moi.

Je sort de ma chambre, ferme la porte, redescends la tonne d'escaliers qui me sépare de mon rez-de-chaussée et passe la porte pour aller dehors.  Comme à mon habitude, j'emprunte le chemin pour me rendre en ville.  À cette vitesse, si je ne rencontre aucun inconvénient, j'y serai d'ici cinq minutes.  J'ai toujours le temps de rendre visite à ma mère avant d'aller « travailler. »

Je me demande tous les jours pourquoi cette ville est autant bondée de gens.  Le marchand de fleurs préféré de ma mère est installé à ma droite, à peine passé la grille d'entrée.  Devant moi, la fontaine du Soleil se dresse, émettant une lumière aussi intense que celui-ci, mais en bleue.  Le reflet des petites vagues est partout sur les murs, les bancs à gauche, sur les gens qui passent y compris moi-même.  Dommage que je ne m'attarde pas trop sur les petits détails chaque jour.

Je vois l'hôpital d'ici.  Quelques pas et j'y suis déjà.  Un bâtiment grand, mais point haut, facilement distinguable des autres édifices tout près.  En effet, difficile de rater une aussi grosse croix bleue.  Servant de front, elle a un air imposant!

Je monte les escaliers faits de ciment et entre.  Je constate que madame La-Réceptionniste est d'une humeur estivale, comme toujours.  C'est grâce à elle si la visite entre ces murs est aussi agréable.  Jusqu'à présent, je n'ai entendu personne se plaindre d'aller se faire rincer le colon ou encore se faire opérer avec 50 pourcent de chance de survie, comme c'est le cas de ma douce maman.  Douce, mais forte.  À leur place, je ne voudrais pas l'affronter!

- Hé!  Storm!  dit La-Réceptionniste me voyant entrer.

Je suis un habitué.  Je crois que c'est pour ça qu'elle et moi nous nous saluons de cette façon, tout le temps.

- Hé!  Salut!  Comme d'habitude?

- Comme toujours, jeune homme!  Et toi?  Comme d'habitude?

- Oui, m'dame!

- Parfait, mon grand.  Tu peux monter!

- Merci!  dis-je avec un grand sourire.

J'ai l'impression de ne monter que des escaliers depuis ce matin.  Une fois au premier étage, je tourne à gauche.  Je continue jusqu'au numéro 104.  C'est juste là, à ma gauche, encore.  Je regarde par la minuscule fenêtre avant d'entrer.  Je m'assure que ma mère est bien couchée dans son lit.

J'entre.

- Maman?

Ça ne lui a pris qu'un quart de seconde pour se tourner et dire :

- Mon coeur!

Je m'empresse de courir vers elle et de la serrer dans mes bras, doucement.  Je la regarde et lui raconte ce que j'ai vécu la veille à l'ANSEJ, ce qui s'est résumé à pas mal d'exploration plutôt que de sauvetage, une fois de plus.  Elle arbore une mine déçue pour me faire comprendre qu'elle est désolée pour moi.  Je tente de la rassurer en lui disant qu'un jour, je ferai ce à quoi je m'attendais de faire en m'inscrivant à cette académie.

- Je suis pas inquiète!  Je sais que tu vas changer les choses!  En même temps, je vais être franche, je suis pas pressée.  Moi qui est mère à son fils!  J'ai tellement peur qu'il t'arrive un malheur!

Elle s'en ai toujours fait pour moi, mais elle ne devrait pas.

- M'man, il peut rien m'arriver!  J'ai ça!

Dans un élan de confiance, je lui tends le côté intérieur de mon avant-bras gauche (toujours gauche) et lui montre le symbole issu du petit rituel qu'elle m'a fait faire plus jeune.  J'avais deux ans.  Peut-être plus, mais peu importe.

Elle me prend par ce même avant-bras m'attendant avec une mise en garde de mère.

- Tu ne dois pas t'en servir partout.  Fais-le quand c'est nécessaire, et...  je veux pas que tu te mettes à prendre des risques juste parce que tu as « ça » justement.  Oui, il peut t'aider, mais pas te rendre invincible.  Peut-être que tu me trouve envahissante, mais s'il te plaît, fais attention à toi.

- Maman, t'es pas envahissante, je comprends ce que tu dis.  C'est juste que...

Au moment ou j'allais lui donner une excuse honnête, une nouvelle infirmière que je n'avais jamais vue avant est entrée.

- Madame Silice? J'ai besoin de prendre une prise de sang, s'il vous plaît.  Ce ne sera pas long. dit-elle avec un sourire en coin.

Ma mère acquiesce et me dit que je devrais y aller.  Le temps ne s'arrête pas!

Puisque je n'ai pas pu lui donner une bonne raison de ne pas s'en faire, je vais lui donner parole.

- Promis, m'man!  Je fais attention!

- C'est bien!  Bonne journée, mon coeur!  Et oublie pas : je t'aime!

- Je t'aime aussi, m'man!

Je quitte le lit et passe aux côtés de l'infirmière en marche arrière avant de sortir de la salle et de fermer la porte.  Un sentiment accompli dans le sac, je quitte l'hôpital en saluant madame La-Réceptionniste qui me renvoie mes salutations.  L'air passe à travers moi, faisant virevolter mon écharpe blanche et, par la même occasion, quelque chose qui, d'une manière bizarre, m'était différent.

SiliciumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant