1. Sous les étoiles

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9 ANS PLUS TÔT
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J'ai toujours adoré regarder le ciel. Celui de ce soir était particulièrement beau. Bleu nuit, parfaitement dégagé, toutes les constellations se mettaient à nu pour le plus grand plaisir des yeux avides de l'homme. Je penchai la tête sur le côté pour redessiner les constellations que je connaissais par cœur. Je repérai Sirius, l'étoile ardente. Dans son prolongement, je retrouvais Orion avec sa ceinture alignée. Le grand chien, avec sa supergéante qui était en phase d'évolution. Et astérisme de une, deux trois... Argh ! Je n'arrivai jamais à identifier cette constellation-ci. Je me levai pour attraper mon bouquin et le feuilletai rapidement. Je connaissais les chapitres sur le bout des doigts et je savais où fouiller. Quand je tombais sur la page de la Carène, j'avais trouvé ce que je cherchai.

- Yes ! La fausse croix.

Je fermai l'œil droit et essayai de la redessiner à l'aide de mon index. Canopus, petite sœur de Sirius en termes de luminosité, était dans sa trajectoire observable. Je capturai l'image dans ma tête pour pouvoir m'en rappeler la prochaine fois.

Le cours audio sur les isotopes instables prit fin dans mon MP3 et je passai à la leçon suivante. Seulement, à la place d'entendre la voix du professeur, j'entendis des notes de musique. La nouvelle chanson de Bruno Mars se répandit dans mes écouteurs. La douceur des instruments, combinée à la voix et aux paroles, me berçèrent dans un nuage de tendresse. Je fermai les yeux, emportée par la musique, mon appareil tout contre mon cœur. Je devrais être en train de réviser mes leçons, en train de préparer mes examens.... Au lieu de quoi, je rêvassais sur un regard captivant, par-dessous des longs cils bruns ; un corps d'athlète fin et élancé qui se déplaçait avec assurance dans les couloirs du bahut, un jeans qui n'était ni trop remonté, ni trop rabaissé, juste assez pour laisser entrevoir la bande de son caleçon, à chaque fois qu'il se levait pour aller au tableau ou qu'il lançait la balle de basket pour marquer ; et ces lèvres pleines qu'il mordillait inconsciemment lorsqu'il réfléchissait ; et à sa façon de souffler le x de mon prénom, tel le Joueur de Flûte de Hamelin, il m'attirait dans ses contrées enchantées...

Je devrais être en train de réviser...et j'étais en train de fantasmer sur... Mon Dieu, non !

- Maxine !

Je sursautai et tirai les écouteurs de mes oreilles, manquant d'arracher ses dernières au passage. A l'entrée de ma chambre, ma mère m'observait, une main sur la hanche et le torchon de la cuisine dans son poing.

- Je t'appelle depuis tout à l'heure ! Ne m'oblige pas à te confisquer ton téléphone.

- Désolée, je révisai mes cours de chimie, j'ai un devoir sur table la semaine prochaine et...

Elle arqua un sourcil et leva la main pour m'arrêter. Elle n'avait aucune patience et empathie pour les excuses. C'était ainsi qu'elle nous avait élevé ma sœur, mon frère et moi. Si on s'excusait, c'était forcément parce qu'on avait fait quelque chose de mal. Et elle ne nous avait pas éduqué à ça.

- Tu révises avec ton téléphone, maintenant ?

Je la sentais sur le point de passer de la menace à l'acte, alors je coffrai mon portable dans le tiroir de mon bureau et secouai la tête avec un grand sourire d'ange. Elle leva les yeux au ciel et secoua la tête elle aussi, résignée par ce qu'elle appelait ma "génération". Elle ne disait rien, mais je savais que pour elle, on apprenait tout dans les livres, les dictionnaires et les encyclopédies. Internet représentait à ses yeux, je cite : "un ramassis de cochonneries".

- Ferme la fenêtre de ta chambre, sinon demain tu vas te plaindre que tu as mal à la gorge. Et viens mettre la table, le repas est prêt !

Je m'empressai de clôturer mes volets, je tirai les rideaux, mettai de l'ordre à mon bureau et me précipitai à la suite de ma mère. Elle laissait toujours la trace de son passage à cause de son parfum. Je pouvais la pister les yeux fermés. Je la retrouvai dans notre cuisine, elle éteignait les feux de la cuisinière et le gaz juste au-dessus. Elle avait préparé des spaghettis à la bolognaise. Depuis qu'elle faisait des heures supplémentaires au travail, elle n'avait plus le temps de nous préparer ses petits plats maison que ma grand-mère lui avait appris, et que sa mère avant elle avait transmis à ma grand-mère, et ainsi de suite. Elle avait coupé ses cheveux courts, laissé tomber les rajouts, les perruques, et les ongles vernis. Sa priorité, depuis que nous avions aménagé tous les trois ici, étant de nous assurer à mon frère et moi une vie décente. Il arrivait quelquefois que le frigo et les placards ne soient pas convenablement remplis, mais nous avions toujours de quoi manger une fois les pieds sous la table.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 01, 2021 ⏰

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