one shot

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Ambiance : Nocturnes de Frédéric Chopin.

« Si vous avez encore du temps devant vous, fuyez », avait sûrement voulu dire le maire avant de s'évaporer dans le néant, aux yeux des quelques habitants de la ville présents

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« Si vous avez encore du temps devant vous, fuyez », avait sûrement voulu dire le maire avant de s'évaporer dans le néant, aux yeux des quelques habitants de la ville présents. Comme on l'avait tous craint, depuis que les Dudleys s'étaient mystérieusement éteints un à un après la guerre civile en 1865, les ténèbres qui sévissaient à Dudleytown se répandaient dorénavant sur Cornwall.

Néanmoins, bien avant la guerre même, ce petit village qualifié aujourd'hui de "ville fantôme" comptait déjà de multiples disparitions douteuses et de morts étranges. Apparemment, des archives qui existent toujours dans le Dudleytown racontent d'étranges cas de maladies, de folie, et de rapports de curieuses créatures errant dans la région la nuit. Ces soi-disant archives se rapprochaient dorénavant plus de l'ordinaire que les derniers événements en date. Car à présent, un fait était incontestable : c'était bel et bien au tour de Cornwall de sombrer dans l'oubli total et ce, pour l'éternité.

C'était la première fois que je pédalais au péril de ma vie en direction de l'entrée de la ville. Je regrettais déjà de m'être consacré aux jeux vidéos au lieu d'obtenir mon permis de conduire si bien qu'il fallait impérativement que j'atteigne le ponton de Cornwall pour me soustraire à ce sort funeste. J'aurais sûrement déjà décampé d'ici si j'avais su démarrer un véhicule, mais encore il aurait fallu savoir où se trouve les phares. Certains coins de la ville étaient à présent très sombres, non illuminés par la lumière artificielle. Ma mère et moi, serions certainement à des années-lumière de ces démons de la nuit si je m'étais contenté d'obéir. Et elle aurait toujours été de ce monde. Bref, ce n'était pas le moment de se plaindre, il me fallait survivre et ce, voiture ou pas.

Mes poumons criaient à l'aide tant il m'était difficile de réglementer mon apport en oxygène à cause du trop-plein d'émotions auquel mon âme était confrontée. La panique m'avait aussi gagné à l'instar des autres habitants, et j'étais pas loin d'être diagnostiqué d'une démence sévère. Dans mon élan, j'en vins à ignorer volontairement la fille en sanglots à l'arrêt du bus scolaire où je patientais souvent. Je reconnus tant bien que mal la bâtisse de mon lycée derrière la demoiselle en détresse, et lui fis intérieurement mes adieux.

Si Cornwall avait été un jeu dans le style de Donjons et Dragons, on serait certainement en pleine partie d'une quête du type : traversez le pont à l'entrée de la ville en un temps imparti. Attention, vous avez le choix entre secourir la belle princesse du château (et ainsi voir vos chances de l'épouser augmenter), ou fuser vers votre destination en courant le risque d'être châtié pour votre égoïsme. Après avoir lâché des jurons incompréhensibles, j'abandonnai mon vélo sur au bord de la route, ainsi que mon sac à dos, et revins sur mes pas en vitesse.

— Tu ne devrais pas rester là, assise sur ce banc à rien faire. À moins que t'aies envie de crever, c'est à toi de voir.

L'inconnue essuya ses larmes d'un revers de la manche avant de lever le regard vers moi, perplexe. L'inconnue ne m'était pas si inconnue comme je le pensais, tout compte fait.

Les Disparus de Cornwall (OS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant