La voir passer

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La première fois que je l'ai vue passer, j'ai tout de suite compris. Après tout, elle n'était pas censée être là, dans un costume blanc et bleuté, avec des larmes dans ses yeux rougis, et les cheveux lâchés en bataille.

Si ce n'est pour ça.

Je savais que ça finirait par être mon tour de la surveiller. Je ne pensais cependant pas que ça arriverait si vite. Ça ne faisait que deux mois que j'avais mon Miraculous, que j'avais dû le prendre à Marinette. À celle de mon temps en tout cas.

Celle face à moi venait sans aucun doute de l'utiliser pour la première fois.

Elle ne m'avait même pas remarquée, me tenant légèrement à l'écart, l'observant de loin. Ce n'était pas trop étonnant, ce n'était pas comme si elle l'avait déjà fait auparavant. Mais je n'étais pas là pour ça.

Je la vis bouger la main, ses doigts se poser délicatement sur un portail, et des images s'y animer. Des images d'Alya. Malgré la distance, je pouvais entendre les légers sanglots qui s'échappaient d'entre ses lèvres. Ça me faisait mal de la voir comme ça, alors je me suis approchée d'elle, et j'ai posé ma main sur son épaule.

Elle n'a pas réagi, devant se douter qu'il s'agissait de moi, et se contenant de sangloter encore plus, son bras pourtant toujours levé pour que les images continuent de bouger.

– Pourquoi... ?

Elle avait soufflé ça d'une voix éraillée, et j'avais compris la question sans plus de mots.

– J'ai déjà essayé.

Ou plutôt j'essaierai, dans le futur. J'avais été prévenue... Qu'il n'y avait rien à faire, que c'était impossible de sauver Alya. Que quoi qu'il advienne, cela conduirait à une catastrophe. Alors je devais être là pour surveiller Marinette.

– Essaie encore !

Je soupirai légèrement.

– Marinette... ça ne marchera pas.

Elle a dégagé ma main et a traversé le portail, sans dire un mot, des larmes dévalant ses joues. Je ne l'ai pas suivie, me contenant de l'observer à travers le portail, pour intervenir si besoin.

Mais elle restait calme, posée sur un toit, à observer Alya de loin. Sa transformation s'est évaporée, mais elle n'a pas eu l'air d'y prêter attention.

Ce jour-là, elle est restée à l'observer jusqu'à s'endormir. J'ai dû aller la récupérer, pour la reposer dans son temps, et sans son lit, sous le regard inquiet de Tikki. J'ai placé la couverture sur elle et un baiser sur son front, avant de repartir, pour la laisser dormir, même si je la voyais en plein cauchemar. Je savais que je n'y pouvais rien, la seule personne qui pouvait changer les choses était Alya.

Et elle n'était plus de ce monde.

Puis j'ai dû rentrer chez moi.

Là-bas, c'était un peu plus dur.

– Dé-transformation.

Fluff voleta près de moi, avant de partir se placer dans mon sac, tandis que je me préparais pour aller en cours.

En classe, tout se passa comme d'habitude. Posée à côté de Mylène, je prenais les notes des cours, sous le regard brûlant de Marinette, qui, je le savais, ne m'avait jamais pardonnée d'avoir repris la montre.

Elle n'allait pas encore mieux, malgré le soutien d'Adrien, de Chat Noir. Mais je la comprenais, elle s'était attachée à l'illusion qu'elle pourrait garder la montre pour l'éternité. Mais j'avais été sa désillusion, je lui avais arraché Alya une seconde fois, en quelque sorte.

Alors même si ça me faisait mal de la voir me détester, je savais que je n'avais pas le choix, du moins pour l'instant. Le temps qu'elle accepte la réalité.

Un jour passa.

Puis un deuxième.

Le jeudi était arrivé.

On m'avait dit de m'y rendre les lundis, jeudis, et samedis. Que c'était là que Marinette venait. Alors c'est ce que j'ai fait.

Elle était effectivement là, elle est passée, m'a adressé l'ombre d'un sourire, n'ayant sûrement même pas réalisé que j'étais la même que la veille, avant de se poser devant un des portails, et d'observer.

La situation a continué comme ça un moment. Et puis elle a commencé à entrer dans les mondes, se cachant de la vue de tous, surtout de son alter-ego.

On m'avait donné une date. Celle d'aujourd'hui, où je devais la suivre et la surveiller.

Ce jour-là, elle a fait un pas vers Alya, et j'ai posé ma main sur son épaule. Elle s'est tournée vers moi, de la résignation dans le regard. Elle avait compris. C'était suffisant, j'ai fait demi-tour.

À partir de là, elle ne m'a plus adressé le moindre regard, le moindre sourire, la moindre attention quand elle passait.

– Marinette...

Mais rien.

Je ne savais pas ce qui était le plus douloureux entre la punition du silence de cette Marinette, ou les regards haineux de l'autre.

Elle ne venait pas plus de trois fois par semaine, sûrement avait-elle compris que ce n'était pas bon pour sa santé mentale, mais se refusait à arrêter. À chaque fois, j'étais avec elle, je la regardais faire, je voyais chacune de ses réactions, ses larmes, ses sourires, ses légers rires, ses rougissements, alors qu'elle assistait à des scènes qu'elle savait passées à jamais.

Parfois, je me permettais d'observer sa façon d'agir dans sa réalité. Mais elle n'y vivait plus, se contentant de tenir jusqu'à sa prochaine visite du terrier. Jusqu'à la prochaine fois où elle allait venir voir Alya, celle qu'elle aimait, celle qui n'était plus avec elle.

Je l'ai vue passer une nouvelle fois, m'ignorer alors que je lui demandais de me parler, traverser le portail, puis se cacher.

Cette fois, elle avait choisi une interview. Une où Alya et elle avaient passé plus de temps à s'embrasser qu'à se poser des questions. Je voyais bien dans sa façon de bouger qu'elle mourrait d'envie de rejoindre Alya, mais qu'elle savait qu'elle en avait l'interdiction.

Alors quand elle a vu ce qu'elle voulait se passer sous ses yeux, elle a fait demi-tour. Sans, une nouvelle fois, un regard pour moi.

J'imagine que je m'y étais habituée maintenant...

Je suis revenue le samedi.

Elle n'était pas là.

Je me suis demandé pourquoi, mais en regardant chez elle... Je l'ai vue, dévastée, enfermée dans sa chambre et refusant de parler à qui que ce soit.

C'était donc maintenant... Le jour où j'avais récupéré la montre.

Je suis rentrée chez-moi.

– Dé-transformation.

Et j'ai pleuré.

Parce que je ne savais plus quoi faire. Je ne pouvais pas l'aider dans le passé, ni dans le présent, et devais attendre pour le futur.

Maintenant, je n'avais plus que Marinette. Celle de mon temps. Celle qui me détestait.

Et ça me faisait mal à en crever.

...

Mais je n'avais pas le droit.



Cette fois, c'était le PDV d'Alix !

De l'Alix qui surveille Marinette dans le terrier plus précisément.

Parce qu'un pdv d'une autre Alix est prévu-

La voir - Miraculous LadybugOù les histoires vivent. Découvrez maintenant