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Les bras liés à l'arrière de sa tête, George considérait les poutres de son plafond avec lassitude. Il ressentait une angoisse toute nouvelle se répandre dans ses entrailles. il était paralysé par la peur de ne pas être à la hauteur de Fred, que ce soit à la boutique mais aussi dans sa famille. George était le double de Fred, certes, mais il demeurait le double le plus discret, celui que l'on retenait moins, celui qui était annoncé en second. Molly les avait pourtant toujours traités comme des égaux, tant qu'elle ne chercha jamais à les différencier. Mais, aujourd'hui, une boule se formait dans la gorge de la matriarche : elle n'aurait plus à les distinguer, désormais.

George parvint à se motiver pour rejoindre le terrier, complétement remis à neuf par des sortilèges. requinqué par la douce soirée d'hier, passée en compagnie de l'atypique Audrey Eeiros, il se sentait enfin d'attaque à affronter ses responsabilités ainsi que les membres imminents du clan Weasley. Une chemise, un nœud de papillon et une veste en tweed pourpre plus tard, George transplana jusqu'au lieu où résidaient ses parents. Son cœur se serra lorsque son regard se posa sur la grande bâtisse qui tenait étonnement en équilibre. Evidemment que ce lieu le ramènerait toujours au plus profond de ses souvenirs d'enfants, aux côtés de son jumeau. Une vague d'émotion négatives le submergèrent soudain devant la petite maison biscornue, avant qu'il ne revêtisse son éternel sourire de circonstance. Pour papa, s'encouragea-t-il. 

D'enivrantes odeurs de nourriture émanaient du salon du terrier : dinde, farce aux marrons et pudding guidaient les pas de George. Dans la salle à manger trônait la grande table en bois, garnie d'un nombre conséquent de denrées, de petites bougies parfumées à la cannelle, de grosses boules rouge et de rubans argentés. Autour d'elle était installé Arthur Weasley à la place du chef, Ginny, Ron et Hermione à sa gauche ainsi que Bill, Fleur Percy et Charlie à sa droite. La jeune rouquine émit un grand cri de surprise lorsqu'elle vit le visage de George dépasser de l'encadrement de la porte. Elle manqua de faire tomber sa chaise à la renverse en se mettant debout afin de s'élancer vers son frère. Ginny s'accrocha à lui avec fureur, tel un panda s'accrocherait à son bambou : elle l'étreignit tant qu'il faillit s'étouffer. Les deux mains de George se posèrent sur le dos de sa jeune sœur récemment devenue femme, la serrant tout en voulant se montrer rassurant.

Terré dans son appartement depuis leur retour de la guerre, George ne souhaita voir strictement personne, des mois durant, y compris ceux qu'il affectionnait le plus. Ginny en fit malheureusement les frais. Elle embarqua alors à bord du Poudlard express pour rejoindre l'école de sorcellerie, endeuillée, meurtrie, sans avoir pu voir le visage de son aîné. Harry devint officiellement son petit-ami. Ce dernier s'efforçait de lui donner fréquemment des nouvelles du jumeau, via la poste volatile. Toutefois, la présence de George auprès de sa fratrie valait largement plus que toutes les lettres du monde. Une fois qu'elle eut lâché le cou du rouquin, il s'installa autour de la table dans un affreux silence de plomb. Sa venue jetait un froid dans la pièce, éteignant toute forme de conversation entre eux. En effet, ils ne souhaitaient pas paraitre maladroit et risquer de froisser le jumeau. George esquissa un large sourire à l'attention de son père, prêt à détendre cette atmosphère à découper au couteau.

- Qui l'aurait cru ? Ginevra Weasley sans le célèbre Harry Potter ? Aller, avoue, il est caché sous la table, s'exclama-t-il tout en passant sa tête sous la nappe.

Ginny éclata d'un petit rire tendre, bien vite suivi par ceux de toute l'assemblée : George semblait véritablement avoir réussi.

- Figure-toi qu'il est aux Fournaux, il épaule maman !

- Et, à ce qu'il nous a dit, il ne chôme pas le moins du monde, lâcha Fleur sur le ton de la confidence.

L'ambiance s'était considérablement allégée, grâce aux talents humoristiques de George. il avait repris du poil de la bête et par conséquent, il avait récupéré sa place de grand blagueur de la famille, aux antipodes de son très cher Percy. 

Molly s'attarda un temps sur son fils demeurant à nouveau rayonnant. Son grand garçon avait traversé vents et marées dans le but de remonter la pente, surmonter la disparition de son frère. Les sept longs mois qui ont suivi la guerre ont été difficiles pour son Georgie, plus que pour n'importe quel autre membre de la fratrie. Il s'est démené pour s'enfuir de cet effroyable enfer qui souhaitait l'accueillir avec chaleur. Puis, alors que Molly perdait espoir de retrouver un jour le petit garçon qu'elle eut connu, le ciel lui offrit le plus beau des cadeaux pour ce céleste Noël : son sourire rendu inébranlable. George réchauffait le petit cœur endolori de sa pauvre mère.

Une fois que l'entièreté du repas fut engloutie et que Percy, Harry, Ginny et Arthur s'élancèrent dans la fâcheux sujet du procès du patriarche, George sortit de la maison, s'assit sur le perron brun afin de fumer une cigarette. Le regard perdu dans les champs qui s'étendaient à perte de vue face à lui, il prit quelque secondes pour se recentrer sur lui-même. Il n'avait pas joué un rôle, ce matin-là, pour la première fois depuis une éternité. Cependant, ce repas l'avait vidé de toute énergie. il n'était plus habitué à ce genre de conventions : il enchainait avec lassitude les petites fêtes platoniques où savoir tenir une conversation ne semblait pas être une qualité requise pour s'amuser. Mais cette fois-ci, George s'était ouvert à ses frères, à sa sœur, à ses frères et à ses parents. Il venait de faire table rase du passé, il s'était dévoilé enfin en tant que George Weasley, sans pour autant mettre à la trappe ce que fut Fred et George. il avait arraché ce douloureux pansement qui empêchait ses plaies de se refermer définitivement.

Des bruits de pas se firent entendre à travers la porte d'entrée avant que celle-ci ne s'ouvre sur Charlie, son aîné. Le rouquin toisa la cigarette que George brandissait entre ses dents puis il vint prendre place à ses côtés. Un silence légitime entoura un instant les deux frangins, un silence dont Charlie avait besoin pour trouver les mots justes. Charlie demeurait le Weasley le plus sensible et calme, celui qui comprenait sans un mot, celui qui écoutait sans une parole. Celui dont George avait toujours eut besoin.

- Tu sembles aller mieux, dégoisa-t-il maladroitement.

George cracha la fumée contenue dans sa bouche et se tourna vers Charlie.

- Tu blagues, tu charries Ron et Ginny, comme avant...

- Rien ne sera jamais plus comme avant, coupa George.

- Je sais. Mais ça fait plaisir de te voir reprendre ainsi des couleurs.

- J'ai rencontré une femme, lâcha George avec désinvolture.

- C'est du sérieux ?

- Je pense pouvoir affirmer que nous sommes amis.

Charlie reporta un temps son attention sur ses pouces, qu'il entremêlait avec anxiété, et, sans relever la tête vers son frère, il sourit.

- Je te demanderai rien de plus, Georgie. Tu as le choix de te confier ou non. Mais j'apprécierais que tu m'écoutes. Quand la guerre se finit, j'étais fou amoureux d'une jeune femme. Josie, elle s'appelait, précisa-t-il. Elle était la représentation injuste de la perfection. Je l'ai cherché dans tout le château. Elle s'était battue, comme toi, comme moi, comme Fred. Elle s'est battue jusqu'à la fin. Elle s'est vidée de son sang dans mes bras, George. Et, ce jour-là, après avoir perdu mon frère et la femme de ma vie, je me suis fait la promesse de vivre aussi fort qu'il m'était offert de vivre. Parce que nous ne sommes que de passage, et que nous devons vivre pour ceux qui n'ont pas eut ce choix. Il replongea son regard dans  celui de George, embué par des larmes qui menaçaient de perler le long de ses joues. Si tu penses que cette fille est la raison pour laquelle tu es en train de renaître, je t'en supplie, ne la lâche pas.

Sans attendre la moindre réponse, Charlie se remit debout et fit volte-face afin d'entrer dans le salon, laissant alors dans son dos un George pensif.

Ses paupières ne purent retenir les larmes qui affluaient à l'orée de ses yeux,

et il tira sur sa cigarette.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 28, 2022 ⏰

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Dɑns l'ombre de notre pɑssé || George WeɑsleyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant