Une nuit au cimetière

Encore ?

Le lendemain, tout le monde se moque de moi au lycée. J'entends des trucs dans le genre : « regarde, c'est la fille qui s'est fait jeter par sa meilleure amie ! Ah bon ? Ouais ! Ahah mdr. » 

J'essaye de ne pas y prêter attention, mais c'est difficile. Les autres lycéens sont différents, ils ne comprennent pas ce que je ressens. De plus aucun n'a l'air de s'apitoyer sur mon sort, non, ils trouvent ça drôle... autant dire que moi pas.

Côté emploi du temps, c'est nul de chez nul. J'ai anglais avec Mme Serin, elle a pas l'accent anglais, et une fois, elle a même dû chercher sur Internet comment s'écrivait bathroom... Autant dire que ses cours, c'est de la blague ! 

À la récréation.

Je marche vite, afin d'atteindre rapidement le fond de la cour, pour être tranquille. 

Peine perdue : Adèle se précipite vers moi. 

- Hey comment ça va la nulle ? 

Je la fixe. J'ai les larmes au bord des yeux, et cette, euh... (gros mot) s'en rend immédiatement compte.

- Alors ça fait quoi de se faire jeter par sa meilleure pote ?

Je me mets à pleurer. Je hoquette silencieusement, les larmes brûlantes coulent sur mes joues. Elle en rajoute :

- Ma pauvre... après, t'as aucun style, donc c'est compréhensible. 

Elle ricane. Je me décide enfin à lui répondre :

-  Dégage, tu fais chier.

- Oh mais c'est qu'elle est vulgaire en plus ! Y'a pas à dire, Sarah a bien fait de te laisser tomber.

Vulgaire ? Elle s'est écoutée au moins ! Elle dit beaucoup plus de gros mots que moi. Je vais d'ailleurs le lui prouver.

À court d'idée, je m'approche d'elle et appuie violemment sur son pied. Elle pousse un cri :

- Aïïïïe ! T'es qu'une pute !

J'esquisse un sourire satisfait.

- C'est qui la vulgaire ?

Elle me jette un regard furieux, puis jette un coup d'œil vers mes pieds, et essaye de me rendre la pareille. Perdu ! Je l'esquive lestement. Ça, je l'avais prévu ! Je lâche un petit rire. Elle m'envoie un regard haineux. Puis elle tourne les talons. 

Je souris et j'essuie mes larmes. Je suis contente de moi. J'ai réussi à lui tenir tête ! Pour une fois. Soudain la cloche sonne. Je vais en cours avec le sourire. 

Le soir.

Je repense à ma mini-victoire sur Adèle. C'est la première fois que je la fais partir comme ça ! D'habitude, c'est moi qui pars. Cette fois-ci... je n'arrive pas à y croire ! Se pourrait-il que je puisse me faire respecter d'elle, puis de plus en plus de gens, et avoir de nouveau des amis ? Cela ne me paraît plus impossible. Mon sourire disparait quand j'aperçois une boulette par terre. 

Je la ramasse. Encore ?!

"Viens, Laura, au cimetière, ce soir, à 22:00. S'il-te-plaît. Viens."

Tiens, cette fois il y a une signature. Je plisse les yeux pour mieux voir... "Des amis." Des amis ? Vraiment ? Cette fois, je décide d'y répondre. Je griffonne un mot à la hâte :

"Ce soir je peux pas, peut-être demain." Rapide, court, efficace. Je le jette par la fenêtre, de la même manière que quand je l'ai reçu. Je suis du regard la chute du petit papier. Il tombe par terre et disparaît. Hein ?! Mais il est où ?

Et alors que je me pose cette question, il me semble entendre un long soupir, triste et résigné...