La vie en couleur

Chapitre 1: Sous le saule pleureur

Assise sur un banc, près du long canal où coulent les larmes des amoureux au cœur brisé, j'étais munie de mon carnet de croquis et de mon aquarelle. Je peignais les teintes de l'automne sur mes arbres crayonnés, et je faisais attention au dose que je mettais sur mes pages, pour ne pas que le zéphyr emporte mes couleurs ternes vers le canal mélancolique.

Un jeune couple s'asseyait au rebord du pont de pierre, leurs mains entrelacées, et leurs têtes adossés à l'autre. L'eau reflétait les deux jeunes femmes, malgré l'eau caché par les feuilles mortes emportés. Après avoir trouvé mon modèle, je me mis à reproduire la posture des deux saphiques. Les cheveux de la plus âgée étaient brun cendré, brulés par la passion, et lui longeaient les épaules ; celle de sa compagne étaient roux, telle les flammes qui consument un cœur trop fragile. Mélangeant le gris et le brun, je traçais les boucles de sa chevelure, puis, les courbes du bras qui étreignait la rousse, le rouge et le brun se croisèrent, mais cette couleur ne me donna qu'un amas rougeâtre qui ne marchaient pas ensemble. Je déchirais la page de mes brouillons et le jeta dans la poubelle à coté de moi. Depuis, je les ai plus jamais revu.

Cette couleur est dégoutante. Les deux femmes sont parties trop tôt.

Je rêvassais sur le banc où j'étais assise seule depuis bien trop longtemps, voir les passants se balader, les vieux radoter, les amoureux parler de leurs rêves chimériques, cela me fit un pincement au cœur. Je sais au plus profond de moi, que ce jour n'arrivera plus jamais, car je ne suis pas faite pour ça. L'année de mes 18 ans approchent à grand pas, et près du canal Saint-Martin, c'est une désillusion de constater que les gens de mon âge ont déjà rencontrer leurs pairs, et que moi, je devrais rester seule, avec la seule chose qui me permet de créer ma propre réalité, mon crayon.

Mes premières pages étaient vives, pleins de tournesols et de soleils aux rayons bâtonnées de jaune, mais désormais, la seule chose que je sais dessiner c'est une façade du réel. La pluie commença à résonner contre les pavés, mes pages se trempent des gouttes et mon aquarelle est rempli d'eau. Le saule pleureur larmoya.

Je dois rentrer. Il se fait tard.

*

En passant le bas de la porte, mon regard se tourna vers mon bureau désordonné, où était posé une note, accompagné d'un classeur mauve à peine bien trié:

"Hey Claire !

Je te passe les cours qu'on a fait aujourd'hui, ils sont dans le classeur mauve. Par contre évite de sécher les cours la prochaine fois... Mme Ubetier c'est un peu inquiétée, en même temps tu loupes jamais les cours d'histoire de l'art.

D'ailleurs, j'ai remarqué que ses temps-ci t'avais l'air très triste, même si tu peux plus parler depuis cet accident, tu peux peut-être m'écrire une petite phrase ou un truc du genre.

Pour être honnête, t'inquiètes tout le monde dans la classe, ne nous fais pas une frayeur la prochaine fois ^^

Amicalement, Sheila.

P.S: Désolée si j'ai mal rangé les cours, je suis pas très douée en organisation."

Ma vue se troubla soudainement et ma gorge se serra. Je posa le classeur sur mon lit, et m'asseyait sur ma chaise en bois et m'adossa au dossier. Sheila est une fille en première année de licence en illustration, appréciée de mes camarades de classe et des professeurs mais était également une fille qui était dans mon lycée. Un léger sourire se dessina sur mon visage. J'observais au loin la guitare dans le coin de la pièce, il me dévisageais tristement. Je prie l'instrument et commença à jouer un air familier, les douces notes me sont nostalgiques. Puis, les larmes me montèrent.

Ma porte de dortoir s'ouvra, un garçon entra dans mon antre, il me semble qu'il n'est pas dans ma classe. Je me levais surprise qu'il m'écoutais jouer.

"O-oh, c'est toi qui jouait de la guitare ?"

Je hocha ma tête en signe d'approbation.

"Tu joues trop bien ! Tu es en première année ? Je ne t'avais jamais vu ici avant. C'est quoi ton nom ?"