Une relation pas si simple.

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Le lendemain, le cœur en miettes, j'allais parler à ma belle Léonie qui m'expliqua que même si elle assumait d'être lesbienne, elle n'était sortie qu'avec une seule fille et qu'elles avaient caché leur relation afin de ne pas être embêtées au lycée. Toutes les deux connaissaient leurs camarades et savaient qu'elles seraient harcelées si ça se savait.

Eh bien, moi, j'étais outrée ! Pourquoi seuls les hétéros auraient le droit de vivre pleinement leur relation amoureuse et pas nous ?! Je lui sortis mes plus beaux arguments à base de : « À deux, nous sommes plus fortes. », « Il n'y a aucune honte à avoir. On est bien ensemble, si ça ne leur plaît pas, qu'ils regardent ailleurs ! », « L'amour, les relations amoureuses, la complicité, c'est toujours beau. Ça n'a aucune importance que cette relation se passe avec une personne du sexe opposé ou du même que le nôtre. ». Etc. J'ÉTAIS PUTAIN DE MOTIVÉE ! Et ça a marché ! J'ai revigoré ma petite amie et notre relation a repris de plus belle ! Au début, j'ai bien senti sa réticence lorsque je lui prenais naturellement la main devant tout le monde mais elle ne la retirait pas pour autant et je m'étais dit que c'était un bon début. Pas question de se laisser faire !

Les jours suivants furent malheureusement sur le même thème que celui du second jour de notre relation. Les messes basses ont continué ainsi que les regards bizarres. J'avais cette impression à chaque fois que je me retournais, que quelqu'un déviait son regard de moi. C'était étrange comme sensation. De se sentir observer comme une bête de foire...

Certaines personnes de ma promo ont arrêté de venir me parler dans les couloirs. Je me suis même pris des vents lorsque je saluais quelqu'un, ce qui n'arrivait jamais auparavant. Ce qui n'arrivait jamais avant que je sorte de la case normalisée « hétéro », celle si glorifiée par la société. Et je ne comprenais pas ce que j'avais bien pu faire pour mériter ça. Pourquoi ce mépris alors que nous n'avions rien fait de mal ? Les avions-nous insultés ? Frappés ? Leur avions-nous manqué de respect ? Non. Du tout. Par contre, eux, envers nous, sans aucun doute...

Au lieu de se calmer comme espéré, la situation a empiré. Un gobelet rempli de café fut « par inadvertance », renversé sur le sac de Léonie. Sa trousse remplie à ras bord fut « accidentellement » renversée sur le sol en plein cours. Alors que notre prof avait donné des documents à un étudiant pour qu'il les distribue, il nous a « oubliées »... Oui. Seulement nous deux, aucun autre étudiant de la salle. Et ce ne fut pas la seule fois.

Pendant un cours, je reçus même un stylo en pleine tête. Et autant Léonie avait l'air peu à peu de dépérir, autant, de mon côté, la colère que je ressentais arrivait à son paroxysme. J'ai donc eu une réaction tout ce qu'il y a de plus mature - oui, je considère que c'est une réaction mature puisque je ne lui ai pas jeté à la gueule ! -, j'ai attrapé le stylo, me suis retournée et ai dit à la pét..., à cette étudiante qui rigolait, toute fière d'elle : « Relance-moi ton stylo et je te le fais bouffer ! ». Je lui ai jeté sur sa table et me suis retournée, prête à suivre mon cours très palpitant de Littérature française qui durait trois heures. Mais a-t-elle écouté ce que je lui avais dit ? Que nenni !

À peine deux secondes après m'être reconcentrée sur les paroles du professeur, j'ai reçu de nouveau ce stylo en pleine tête. Elle était prévenue ! Je l'ai pris, me suis levée et ai attrapé sa sale petite tête en appuyant le stylo contre ses lèvres. Le tableau était plutôt drôle ! Léonie essayait de me retenir. Les amies de cette cona..., de cette étudiante essayaient de l'aider à ne pas s'étouffer avec le stylo ! Oui, j'étais assez bizarrement fière.

Résultat ? Une convocation dans le bureau de la directrice de l'UFR des Lettres ! Oui. Pas ces harceleuses, ces répugnantes homophobes qui ne nous laissaient pas tranquilles alors qu'on ne leur avait strictement rien fait, mais moi. C'était moi la victime qui pour une fois me défendais, et c'était moi qui me prenais pourtant un avertissement...

J'ai eu beau expliquer la situation, la directrice n'a rien voulu entendre. Selon elle, j'avais pratiqué un acte violent - je trouvais que c'était vite dit mais bon ! - et je devais donc payer à la place de celles qui avaient usé mes nerfs jusqu'à la corde. Génial. Ne pas punir ces filles me laissait penser que la femme qui me faisait face n'était pas meilleure qu'elles...

Putain d'injustice qui confortait les bourreaux dans leur droit et leur légitimité !

Journal d'une pansexuelle.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant