Il n'y avait rien. Pas de départ, pas de temps, pas de sensation. Pas d'« autres ». Elle-même pouvait tout aussi bien ne pas exister. Puis, une chaleur. Elle lui fut indifférente, pour un temps, une fois l'effet de surprise dissipé. Ensuite, elle lui parut réconfortante, mais ce sentiment était si furtif et frivole ; et avant qu'elle ne pu commencer à se demander ce qui pouvait bien avoir lieu, face à quel type d'étrangeté pouvait-elle bien être confrontée cette fois-ci, voilà que le chaleur se fit désagréable. Ses veines n'arrivaient pas à digérer son sang, que cette constatation soit plus qu'inexacte lui importait peu.
Elle vint, enfin. La douleur. Peut-être que ce fut un soulagement, aussi tordu et importun soit-il ; elle n'était plus coincée avec ce début d'inconfort physique et intellectuel, elle pouvait dès lors se concentrer sur quelque chose de réel, d'important, de distrayant. Mais évidemment, victime de l'instant, sans aucune préparation à ce qui l'attendait, elle n'eut pas le loisir de prendre la lave fumante et destructrice coulant à la place de son sang pour ce que c'était : le meilleur de tous les répits. Commune mortelle, la pensée la plus cohérente qu'elle pouvait avoir dans cette situation n'était qu'un souhait lointain de se rouler en boule, de s'écrouler dans le sol, hurler et pleurer et pleurer et hurler en se repliant sur elle-même jusqu'à ne plus rien n'être d'autre qu'un petit souvenir dans l'esprit des pauvres gens qu'elle a un jour eu le loisir de côtoyer.
Aussi soudainement que sa venue, la douleur disparu, et avec elle l'ignorance de son ignorance. « Où suis-je ? » seraient les mots qu'elle aurait murmuré si elle n'était pas si engourdie et paralysée par la peur. Doucement, malgré ses yeux clôt, elle prit conscience du monde autour d'elle à travers diverses cris et gémissements, entrecoupés de silences plus inquiétants les uns que les autres. L'un d'eux fut interrompu par un discret raclement de gorge, suivi quelques secondes plus tard d'un second raclement plus impatient. Au troisième, elle se décida à ouvrir les yeux. Péniblement, elle laissa ses pupilles ajuster l'image floue qui se dressait en face d'elle.
Ce qui la frappa de stupeur n'étaient ni les murs, faits d'une pierre qu'elle n'avait jamais vu auparavant et embrasés d'un rougeoiement inquiétant ; ni le bureau posé au centre de la pièce, délabré et imposant et chargé de papiers à moitié brûlés et froissés ; ni même les quelques inconnus éparpillés autour d'elle, la plupart maintenant dans un état catatonique. Non, c'était simplement un jeune homme se tenant aux côtés du bureau, chemise blanche, pantalon noir, couronné d'un serre-tête avec des petites cornes de démon en plastique de la même couleur que sa cravate et ses chaussures.
Il la regardait droit dans les yeux. Ses yeux étaient de mauvais augure et sa voix était joviale, un peu forcée. Il ouvrit la bouche, et d'un ton factice d'hésitation, lui demanda poliment si elle était bien Alice Kazinsky. Alice, ne sachant que faire d'autre, haussa des épaules et lui demanda qui il était en retour. Il haussa les sourcils. Les rides de son front eu des formes de vagues. Sa bouche fit un « o », et son ton devint plus sérieux tout en restant courtois.
« Oh, on ne m'a pas posé cette question depuis fort longtemps. Je dois admettre que vous me prenez au dépourvu. », en agrippant sa tempe d'une main et renversant la tête en arrière, il ajouta « Je ne m'en souviens plus. Donnez-moi celui qui vous plaira, si cela peut vous aider. ».
Trop déroutée par l'atmosphère l'entourant, elle échoua à remarquer la curiosité dans la voix de son interlocuteur, seule chose en plus de son apparence pouvant trahir un signe quelconque d'humanité. Mis-à-part ces deux détails, tout chez lui avait un air dépossédé, les choses futile et formidables faisant de lui un être humain ont étés perdus au cours d'une route. Personnalité, souvenirs, boisson préférée, accessoire dispensable, rire retenu en voyant un enfant tomber dans la rue et pleurer, appréhension en voyant que son thé a infusé trop longtemps, babiole achetée sur un coup de tête lors d'une journée pluvieuse passée entre amis et jamais sortie de sa boîte en plastique Made In China ; il n'en restait presque plus rien.
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Writing Prompt #2 L'enfer, c'est les autres ?
Historia CortaLe protagoniste découvre que l'enfer est sous l'emprise des humains. Apparemment, rassembler les Hommes les plus dangereux au même endroit n'est pas une bonne idée. (source : r/writingprompts ; u/stupiddog321)