Chapitre 2

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Jonathan est assis sur le sable humide. Un petit vent frais se lève dans l'obscurité. Je ne m'attendais pas à le voir ici. Mon intuition ne m'a pas trompée. J'ai pris la bonne décision. Décider d'obéir à cette lettre, décider d'essayer de sauver une vie, même si je ne savais pas à qui elle appartenait, était la bonne décision.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu me fais tellement peur ? Et cette lettre, c'est quoi ? Explique moi ce qui ne va pas...

Il regarde le soleil décliner vers l'horizon et nous soustraire à son agréable chaleur. Jonathan lui, contrairement au ciel qui se teint d'orange, est pâle, plus qu'a l'accoutumée, comme s'il était malade. Ses lèvres tremblent légèrement, pas suffisamment peu pour que je ne le remarque pas.

- Assieds toi, s'il te plait.

Je m'exécute. Je ferai tout ce qu'il veut, parce que je veux qu'il se sente bien, en confiance, libre de me parler de ce qui rend ses pensées aussi sombres.

- Je suis désolé de t'avoir fait venir, mais il n'y a qu'à toi que je peux expliquer pourquoi je ne peux plus vivre. Pourquoi la société m'a poussé à me rejeter moi-même, comme si j'avais une montagne d'actes et de paroles à me reprocher. Ce n'est pas une question de volonté. Le problème ne réside pas dans le fait que je ne veuilles plus vivre, mais dans le fait que ça ne soit plus possible.

Aussi sensible qu'à mon habitude, et ses mots me touchant en plein coeur, je sens mes yeux s'embuer de larmes à peine dissimulées à une vitesse éclair. Il ne tarde pas à passer son pouce sur ma joue quand une de celles-ci y glisse et finit sa course sur mon menton.

- Il ne faut pas que tu sois triste. Tout ce que je vais te raconter n'est pas réel. Une partie l'est, oui, mais je rêve, aussi.

- Tu rêves ?

Une interrogation reste en suspens. Ses mots restent bloqués au fond de sa gorge. Il est fort et faible à la fois. Ses yeux, eux, fixent toujours les vagues s'écraser sur le sable fin.

- Ça fait des années que ça dure. Tous les soirs, quand tout le monde est couché et qu'à mon tour, je finis par m'endormir, je rêve. De torture. De la mort. De la pression qu'on m'inflige parce que je suis qui je suis. Je rêve de ce qu'il se passerait si je venais à vous perdre. Quelques soient les pensées que j'affronte la nuit, elles sont toujours pires que celles de la veille. Tu ne comprendras peut-être pas, tu essayeras peut-être de me persuader que ce ne sont que des rêves et qu'ils ne devraient pas m'affecter autant mais, en réalité, ils m'ont détruit.

- Jonathan, il existe des moyens de résoudre ça. Il y a des moyens pour faire en sorte que tu te sentes mieux. Laisse moi une chance de te convaincre. Laisse moi une chance de te faire comprendre que ta vie vaut la peine d'être vécue, je t'en prie.

- Tu ne pourras pas. J'y réfléchis depuis des mois. Personne ne peux m'aider. Je ne peux pas voir de psychologue, je ne peux pas montrer ce qu'il y a dans ma tête. J'ai toujours été "bizarre", nous le savons tous les deux. J'ai toujours été le gars au fond de la classe que tout le monde regarde de travers. Il va falloir que tu acceptes de me laisser partir. Mais ne t'inquiète pas, je vais te donner des raisons à mon départ, des explications à mes motivations et tu accepteras que je vous laisse, toi, papa et maman. Du moins, tu comprendras. Je sais que ça ne sera pas facile, mais je te demande juste de respecter ma décision et de ne pas en parler à nos parents tant que je ne suis pas...

Il ne va pas au bout de ses pensées.

- Mort ?

Intérieurement, je commence à bouillir. Il me demande de garder pour moi le fait que dans quelques temps, nos parents seront dévastés et qu'il ne sera plus là pour le voir. Je lui en veux de m'imposer ça mais, en même temps, je ne peux que rester ici et l'écouter, l'entendre me raconter ce qui l'a poussée à une décision si extrême. Il me fait confiance. Je l'aime, et je ne veux en aucun cas que ce qu'il décrit arrive mais Jonathan a toujours été quelqu'un de déterminé. Il a décidé de mourir alors il mourra, il ne peut pas en être autrement.

- Oui. Écoute, je sais que je te place dans une position difficile, et je m'en excuse, mais tu es la seule à qui je pourrais parler librement sans que tu ne me coupes à longueur de temps pour essayer de me dissuader d'aller jusqu'au bout. Alors, je t'en prie, reste assise sur ce sable et soit l'oreille attentive dont j'ai toujours eu besoin mais que je n'ai jamais voulue.

- Ok.

- Ok ?

- Ok, je ne dirai rien. Mais tu dois me promettre une chose. Tu dois me promettre que quand tu partiras, tu veilleras sur nous. Je ne sais pas ce qu'il y a après la mort, je ne sais certainement pas s'il existe un paradis ou un enfer, mais je veux que tu me guides, si tu en as la possibilité, si tu me vois. Parce que ne ne pourrais pas vivre dans un monde où il n'y a aucune trace de ta présence. J'ai toujours besoin de mon frère, d'un bout de toi. Il faut que tu me le promette, d'accord ?

Pour la première fois depuis que je suis arrivée, ses yeux se vident, comme si toute sa tristesse arrivait enfin à être extériorisée autre que par les larmes.

- Je t'assure que te laisser derrière moi est la partie la plus difficile de l'histoire. Tu as été la soeur la plus attentive et la plus attentionnée que j'aurais pu avoir.

- Pas assez, apparement...

- Si, je t'assure que si. Seulement, les choses ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait. Tout ce qui arrive n'a jamais été, n'est pas et ne sera jamais de ta faute. Alors oui, bien sûr, si je peux, je veillerai sur toi.

Je t'aime Phoebe. Dors bien. Est-ce que tu veux que je te lise une histoire ? Je repense à notre enfance à tous les deux et pose de manière incontrôlable ma tête sur son épaule. Il passe son bras autour de ma taille et me serre contre lui.

- Une fois tu m'as dit que je pourrais t'emprunter ton vinyle des Beattles uniquement quand tu serais mort. Est-ce que ça veut dire que je vais bientôt pouvoir ?

J'essaye de détendre l'atmosphère et de respirer, ce qui à pour effet de lui faire échapper un petit rire. Pourtant, je vois quand même ses joues lustrées par ses larmes.

- Oui, je te le donne, même.

Un silence. Long. Celui de ceux qui semblent éternel. Comme une promesse silencieuse que ce ne sera qu'une étape dans ma vie. Ça me fait mal. Je ne veux pas de cette promesse. Je le veux lui, avec moi, comme il l'a toujours été, d'aussi loin que je me souvienne.

- Tu es prête à entendre tout ce que j'ai à te dire Phoebe ? Parce que je n'ai jamais été aussi prêt.

- Je suis prête. Et je suis désolée. Quoi que ce soit, je suis vraiment désolée.

- Ne le sois pas. C'est juste la vie qui avait décidé de me jouer de mauvais tours. J'avais deux solutions. Être fort et choisir de me battre contre tout le mal et la souffrance ou être faible et choisir de fuir. J'ai simplement opté pour la deuxième option.

Si Tu Veux Que Je Reste En VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant