Sophie aimait les bêtes : elle avait déjà eu un poulet, un écureuil, un chat, un âne ; sa maman ne voulait pas lui donner un chien, de peur qu'il ne devînt enragé, ce qui arrive assez souvent.
« Quelle bête pourrais-je donc avoir ? demanda-t-elle un jour à sa maman. J'en voudrais une qui ne pût pas me faire de mal, qui ne pût pas se sauver et qui ne fût pas difficile à soigner. »
MADAME DE RÉAN, riant. – Alors je ne vois que la tortue qui puisse te convenir.
SOPHIE. – C'est vrai, cela ! C'est très gentil, une tortue, et il n'y a pas de danger qu'elle se sauve.
MADAME DE RÉAN, riant. – Et si elle voulait se sauver, tu aurais toujours le temps de la rattraper.
SOPHIE. – Achetez-moi une tortue, maman, achetez-moi une tortue.
MADAME DE RÉAN. – Quelle folie ! C'est en plaisantant que je te parlais d'une tortue, c'est une affreuse bête, lourde, laide, ennuyeuse ; je ne pense pas que tu puisses aimer un si sot animal.
SOPHIE. – Oh ! maman, je vous en prie ! elle m'amusera beaucoup. Je serai bien sage pour la gagner.
MADAME DE RÉAN. – Puisque tu as envie d'une si laide bête, je puis bien te la donner, mais à deux conditions : la première, c'est que tu ne la laisseras pas mourir de faim ; la seconde, c'est qu'à la première grosse faute que tu feras, je te l'ôterai.
SOPHIE. – J'accepte les conditions, maman, j'accepte. Quand aurai-je ma tortue ?
MADAME DE RÉAN. – Tu l'auras après-demain. Je vais écrire ce matin même à ton père, qui est à Paris, de m'en acheter une : il l'enverra demain soir par la diligence, et tu l'auras après-demain de bonne heure.
SOPHIE. – Je vous remercie mille fois, maman. Paul va précisément arriver demain, il restera quinze jours avec nous : il aura le temps de s'amuser avec la tortue.
Le lendemain, Paul arriva, à la grande joie de Sophie. Quand elle lui annonça qu'elle attendait une tortue, Paul se moqua d'elle et lui demanda ce qu'elle ferait d'une si affreuse bête.
« Nous lui donnerons de la salade, nous lui ferons un lit de foin ; nous la porterons sur l'herbe ; nous nous amuserons beaucoup, je t'assure. »
Le lendemain, la tortue arriva : elle était grosse comme une assiette, épaisse comme une cloche à couvrir les plats ; sa couleur était laide et sale ; elle avait rentré sa tête et ses pattes.
« Dieu ! que c'est laid ! » s'écria Paul.
– Moi je la trouve assez jolie, répondit Sophie un peu piquée.
PAUL, d'un air moqueur. – Elle a surtout une jolie physionomie et un sourire gracieux !
SOPHIE. – Laisse-nous tranquilles : tu te moques de tout.
PAUL, continuant. – Ce que j'aime en elle, c'est sa jolie tournure, sa marche légère.
SOPHIE, se fâchant. – Tais-toi, te dis-je : je vais emporter ma tortue si tu te moques d'elle.
PAUL. – Emporte, emporte, je t'en prie : ce n'est pas son esprit que je regretterai.
Sophie avait bien envie de se jeter sur Paul et de lui donner une tape : mais elle se souvint de sa promesse et de la menace de sa maman, et elle se contenta de lancer à Paul un regard furieux. Elle voulut prendre la tortue pour la porter sur l'herbe : mais elle était trop lourde, elle la laissa retomber. Paul, qui se repentait de l'avoir taquinée, accourut pour l'aider ; il lui donna l'idée de mettre la tortue dans un mouchoir et de la porter à deux, tenant chacun un bout du mouchoir. Sophie, que la chute de la tortue avait effrayée, consentit à se laisser aider par Paul.
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Les Malheurs de Sophie
RandomSophie est une petite fille curieuse et aventureuse. Elle commet bêtise sur bêtise avec la complicité critique de Paul, son cousin, qui est bon et qui tente de lui montrer le droit chemin. Les Malheurs de Sophie est un roman pour enfants écrit par...