Chapitre 1 : Ad vitam aeternam

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Dans un château caché dans les montagnes de la Bretagne armoricaine...

Des cris de douleur retentissaient dans tout le château. Les murs en tremblaient d'effroi.
- Poussez maitresse, poussez !! Je vois presque la tête !!
La puissante sorcière Morgane était en train d'accoucher de jumeaux, accouchement qui durait depuis déjà plus d'une heure. La douleur lui paraissait intenable. C'était la première fois qu'elle se retrouvait aussi désemparée et faible. Elle qui, d'habitude, aurait pu réduire une armée de soldats en poussière en peu de temps, elle se sentait en cet instant plus vulnérable que jamais. Ses deux servantes l'accompagnaient comme elles pouvaient, craignaient que leur maitresse ne déverse sa magie sur elles si l'accouchement se passait mal.
Après encore quelques minutes intenses, un premier bébé vit le jour, couvert de sang. Il s'agissait d'une petite fille. Et à peine quelques minutes après elle, son petit frère jumeau suivi. Et malgré les deux enfants sortis, Morgane ressentait encore de nombreuses contractions, et la douleur ne s'apaisait pas le moins du monde.
Au moment où Morgane tendait désespérément la main vers ses deux enfants que tenaient les servantes, un fracas épouvantable fit trembler tout le château. Et avant que quiconque ait eu le temps de réagir, la porte de la chambre où se passait l'accouchement vola en éclat. La fumée de l'explosion se dissipa rapidement, et un grand personnage vêtu tout de gris des pieds à la tête, brandissant un bâton en bois lumineux, surgit. Morgane le reconnu instantanément.
- Merlin !! hurla-t-elle à plein poumon, quitte cet endroit avant que ma colère ne te réduise en miettes !
Comme s'il avait compris la faiblesse qui retenait Morgane, Merlin s'approcha comme si de rien n'était des deux servantes apeurées.
- Mesdemoiselles, suivez-moi je vous prie. Avec ces deux enfants, évidemment.
Il toucha chacune d'elles du bout de son bâton lumineux et les deux jeunes femmes changèrent instantanément d'expression faciale. Elles suivirent Merlin aussi docilement que des agneaux.
- Non !! Pas mes enfants !!
Morgane n'avait même pas la force de se lever tant les contractions la retenaient sur son lit. Merlin s'éloignait déjà avec les deux enfants et les servantes à sa suite. Morgane hurlait au mage de ne pas partir, mais elle était incapable de faire le moindre mouvement, ou d'utiliser ne serait-ce qu'une once de magie contre lui. Brusquement, sur le seuil de la porte de la chambre, Merlin se retourna vers la sorcière. Celle-ci venait de tomber de son lit en voulant suivre le magicien.
- Ces enfants sont une abomination Morgane, ils ne méritent pas de vivre. Tu as peut-être réussi à duper Arthur une fois, mais tu n'utiliseras pas ces deux petits êtres pour accomplir ta vengeance. Et estimes-toi heureuse que je te laisse la vie sauve. De mon point de vue, tu méritais cent fois de finir au fond d'un lac.
Morgane hurla si fort pour libérer sa haine que les deux enfants se mirent à pleurer dans les bras des servantes.
- C'est Arthur qui t'envoie ? lui demanda-t-elle, ce sale petit bâtard peut te laisser emporter mes enfants mais jamais je ne renoncerai à ma vengeance. Et tu ne seras pas toujours là pour le protéger, petit mage... Je reviendrai plus forte, reprendre ce que tu me voles aujourd'hui, et te ferais payer si cher que tu me supplieras d'abréger tes souffrances...
- Tes paroles sont veines Morgane, je ne crains ni toi ni tes mots. A présent, souffres comme tu le mérites. Ad vitam aeternam.
Sur ces paroles crues, Merlin s'en retourna avec les enfants et les servantes, et tous quittèrent le château, laissant Morgane seule avec sa souffrance.
Une souffrance qui ne s'atténuait pas. Comme si un autre enfant à l'intérieur d'elle exigeait de sortir au plus vite. Prise de doute, et aussi car elle ne voyait pas d'autre solution, elle se remit à pousser de toute ses forces, sur le sol glacé de sa chambre. Et à peines quelques secondes après cela, une tête commença à sortir. Rassemblant le peu de force qu'il lui restait, Morgane attrapa doucement la tête du bébé et poussa aussi fort qu'elle le pu.
Après quelques minutes d'effort supplémentaires, Morgane tenait enfin dans ses bras un troisième bébé, qu'elle n'attendait pas. Un petit garçon, qui ressemblait effectivement à son frère et à sa soeur, disparus à jamais.
Reprenant son souffle et ses esprits, Morgane caressa la petite tête dépourvue de cheveux du petit garçon qu'elle tenait dans les bras.
- Tu te nommeras Mordred. Je ne t'attendais pas mon enfant, mais tu es le signe des dieux que j'accomplirais ma vengeance une fois pour toute contre tous ceux qui m'ont fait souffrir. Tu seras mon arme contre Arthur et sa cour de fanfarons. Ensemble, nous serons invincibles, et nous règnerons sur la Bretagne, ad vitam aeternam, comme le dit si bien Merlin.

Bien au-delà de ce château caché, à la cour du roi Arthur, Merlin rapporta les deux enfants auprès de leur père, à l'abri de tous les regards. Le roi les observa avec tendresse et compassion, comme s'il les avait vu naître.
- Majesté, il est temps d'en finir, intervint Merlin.
- Ce ne sont que des enfants Merlin... Ils sont innocents dans cette histoire et ne méritent pas le sort que tu leur réserve.
- Vous devez protéger votre royaume. Et ces deux enfants sont un danger permanent. Qui sait quels pouvoirs incontrôlables ils pourraient déchainer.
A ces mots, le roi Arthur releva les yeux vers son conseiller, lâchant la petite main de sa fille, qui lui tenait le pouce quelques secondes auparavant.
- J'ignore si les dieux me réservent des enfants plus tard, je ne peux prendre le risque de me débarrasser de mes seuls héritiers maintenant.
- Arthur, ce sont des bâtards, nés d'une union incestueuse. Non consentante de votre côté, je le sais, mais incestueuse malgré tout. Jamais votre cour ne les acceptera. Et je maintiens que leurs pouvoirs sont beaucoup trop importants, je le sens déjà.
Le roi se retourna vers ses deux petits bébés. Il ne pensait pas comme son conseiller. Il ne pensait jamais comme lui de toute façon. Arthur était compatissant et généreux, Merlin était rationnel et dépourvu d'empathie. Et une fois encore, leur désaccord risquait de mettre en péril la stabilité du royaume.
- Elève-les. Loin de Camelot. Apprends-leur à utiliser leurs pouvoirs, apprends-leur tout ce qu'ils doivent savoir. Fais-en tes héritiers. Qu'ils sachent qui est leur père, qui est leur mère, mais qu'ils sachent également que leur devoir est envers moi et envers ce royaume. Ils seront la future génération de magiciens et conseillers royaux.
- Ce que vous me demandez est irréel Majesté. Viviane va bientôt accoucher de notre enfant, je ne puis la laisser seule pour l'élever.
- Viviane comprendra si c'est un ordre du roi. Je te promets que ton futur enfant vivra avec tout le luxe qui lui est dû, il viendra au château aussi souvent qu'il le voudra, il étudiera auprès des meilleurs du royaume, et jamais ni lui ni sa mère ne manqueront de rien. Tu as confiance en moi, n'est-ce pas ?
- Votre bonté vous perdra votre Majesté, je prie les dieux pour que vous ne regrettiez pas votre décision.
- Cela veut-il dire que tu acceptes de t'occuper de ces enfants ?
Merlin hésita une fraction de secondes. Mais il s'agissait là d'un ordre de son roi.
- J'obéis à vos ordre, Majesté. Rien de plus. J'en ferai des magiciens puissants mais bons et loyaux. Ils serviront vos seigneurs ainsi que les autres royaumes de la Bretagne.
Sur ces paroles, Merlin s'approcha des enfants. Il étouffa un soupire, avant de les prendre dans ses bras.
- Merlin, intervint Arthur alors que son fidèle conseiller s'apprêtait à quitter la pièce avec ses enfants, je sais que ce que je te demande est un devoir considérable. J'espère que tu me pardonneras.
- Je ne vous en veux pas Arthur. J'ai promis à votre père de vous servir jusqu'à ma mort, et cela sans condition. J'ignore en revanche si Viviane et mon futur enfant me le pardonneront.
Arthur ne su que répondre. Aussi préféra-t-il s'abstenir, et regarda Merlin quitter la pièce, et puis enfin le château, chargé des deux enfants les plus puissants du royaume.

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