Spike

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*sujet*:

Après avoir bu un café, George s'installe au bureau, puis ouvre son cahier afin de poursuivre son roman en cours. Des semaines qu'il peine. Plus il avance dans l'histoire, plus les personnages sont réticents à s'y inscrire. George lit plusieurs fois l'unique page écrite la veille. Les quelques mots qui subsistent entre les ratures ne lui inspirent décidément rien. Constatant qu'il n'y arrive pas, il se lève et s'approche de la fenêtre. La neige qui s'est mise à tomber dans la nuit recouvre déjà la campagne. Alors que George tente de faire surgir une image dans son esprit, autre qu'un vulgaire manteau blanc, des coups frappés sur la porte le sortent brutalement de sa rêverie. L'endroit où il vit est paumé et bien peu de visiteurs s'invitent sans prévenir. George s'en va ouvrir la porte. Il découvre un vieil homme au sourire chaotique, vêtu d'un long manteau noir, coiffé d'un bonnet noir sous lequel débordent quelques touffes de cheveux accordés à la neige, et il porte un sac de voyage. George l'observe d'un air incrédule.

- Alors mon petit, tu me reconnais pas ?George a beau se creuser les méninges, il ne se souvient pas avoir jamais croisé ce type.

- Bon, tu veux que je te rafraîchisse la mémoire à l'intérieur ou tu me laisses geler sur place !

George invite machinalement le vieillard à entrer, et c'est précisément au moment où il referme la porte derrière lui qu'il remarque qu'aucune trace de pas n'imprime la neige.

*suite à continuer*:

Surpris, il se tourne vers l'homme, qui visiblement s'est installé : il est assis dans le grand fauteuil près du feu, et a posé son manteau et son sac près de lui. Encore perdu dans son incompréhension, Georges entend à peine le visiteur l'interpeller :

«Dis-moi, petit, tu n'aurais pas un peu de whisky, ou de rhum? C'est qu'il ne fait pas très chaud dehors !»

Les mains tremblantes, il sert un verre à l'étranger avant de le rejoindre auprès du feu, sur le deuxième fauteuil. S'ensuit un long silence. Puis l'homme prend calmement la parole.

«Bon, puisque tu ne me reconnais pas, je vais devoir tout te raconter. Voici mon histoire, écoute-moi bien, je ne répéterai rien. Tout a commencé il y a une quarantaine d'années, dans ces montagnes que tu vois là bas, de cette fenêtre. J'étais berger, comme mon père et son père avant lui. Mon chien, Spike, était obéissant et fidèle. Le duo que nous formions pouvait mener le troupeau dans les plus hauts pâturages sans aucun risque. J'étais heureux dans ces montagnes, c'était chaque jour une nouvelle aventure. Le lien que j'avais tissé avec Spike était tellement fort qu'en un coup d'œil, nous comprenions ce que l'autre avait à dire. Ah ça, c'était une belle amitié...»

L'homme s'interrompt un instant, les yeux perdus dans les flammes crépitantes. Georges veut intervenir. Cette histoire est étrangement en lien avec le début de son roman. Mais au moment de parler, il se ravise, voyant que l'homme va continuer.

«En tant que fils de berger, j'ai grandi entouré de chiens, mais Spike est né lorsque j'avais 41 ans. Le vieux chien qui m'accompagnait en montagne avait la vue et l'ouïe qui baissait, il était donc convenu que Spike lui succéderait dès que possible.»

Minute après minute, phrase après phrase, Georges sort de sa torpeur et commence sérieusement à se poser des questions : qui est cet homme ? Pourquoi vient-il lui raconter tout ça ? Et surtout, pourquoi diable son histoire coïncide-t-elle ainsi avec ses écrits ? Il ose demander, coupant le récit du vieil homme :

«Mais enfin, qui êtes vous ? Je veux dire : je ne vous ai jamais vu, et pourtant j'ai l'impression de vous connaître par cœur ! »

L'homme détache ses yeux du feu pour les lever vers lui. Ils sont bleus, mais pas d'un bleu glacé comme les paysages de montagnes enneigées. Ils sont profonds, envoûtants, et pourtant rehaussés d'une étincelle de gaieté pétillante. En quelques secondes, Georges y décèle à la fois une sagesse incontestable et une fougue digne d'un adolescent.
Le vieillard finit par lui répondre.

Le visiteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant