2- la fois de trop.

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      Lorsqu'il ouvrit les yeux, la nuit avait cédé la place a la lumière grise et aveuglante d'un jour tout aussi vide de sens que le précédent.

La tête lui tournait et un bourdonnement sourd résonnait bruyamment dans ses oreilles. Il se sentait totalement ankylosé, comme si il était recouvert par un gros tas de pierres. Il mit un certain temps avant de remettre ses idées en place, et de se rendre compte d'où il était, et en quelle année. Pour le coup il faisait vraiment froid, il avait du pleuvoir pendant qu'il dormait, une flaque d'eau stagnait sous la fenêtre, et des gouttes continuaient de l'agrandir en ruisselant le long du carreau avant de s'écraser avec un rythme régulier et un petit bruit plutôt agaçant.
Il était 14h30, l'écran de son téléphone à la lumière trop blanche lui faisait mal aux yeux, mais il parvint à voir. Aujourd'hui, il était censé passer son E.P.C. : examen préparatoire pour la classe supérieure, une sorte de contrôle bilan qui permettait de rendre compte du niveau des étudiants et de les préparer à passer le terrible et insurmontable diplôme de fin d'année. Il savait pertinemment qu'il se serait planté de toute façon. Non pas qu'il soit nul, bien au contraire, il se considérait comme raisonnablement intelligent, et même un peu plus d'ailleurs. Seulement l'école n'était pas faite pour lui. Il avait beaucoup de mal à se concentrer et il savait que rester cinq heures enfermé dans une salle d'examen constituait pour lui la pire des tortures.
Il passa la main dans ses cheveux, soupira et entreprit d'étirer doucement chacun de ses membres, à commencer par ses orteils endoloris.
Il fit craquer ses mains d'abord, permettant les bulles d'air au creux de ses phalanges de se briser. Puis sa nuque, qui fit un bruit de squelette assez désagréable à l'oreille mais qui lui dénoua considérablement les nerfs. Il se sentit plus mou, et soupira car maintenant qu'il était détendu il n'avait plus aucune envie de se lever.
Les remords étaient là, cachés dans sa poitrine, mais il ne les laisserait pas sortir maintenant, ils viendront plus tard, lorsqu'il sera plus vulnérable et livré à lui même, ils viendront la nuit, quand aucune drogue ne sera présente pour l'aider à occuper son esprit. Il grogna presque en voyant que personne ne lui avait envoyé de message pour lui demander où est-ce qu'il était, qu'importe, il n'aurait pas répondu de toute façon. Lorsqu'il tenta de se lever, il sentit tous les os de son corps craquer douloureusement. Il fit quelques pas et agrippa la porte sans poignée, l'air las. Il marcha d'un pas traînant jusqu'à la salle de bain et pris le premier cachet qui lui tomba sous la main, espérant trouver l'aspirine qui calmerait sa migraine assourdissante. Il entendait encore plus fort que d'habitude les acouphènes qui ne le quittaient jamais, et il dû s'appuyer sur le lavabo pour garder l'équilibre. Il ne pensait pas que la re descente serait aussi compliquée.
Alors qu'il ressortait sur le palier et s'apprêtait à retourner à son état de léthargie dans sa chambre, il croisa le regard de sa sœur, debout en haut de l'escalier. Son expression de stupeur se changea vite en un regard sombre, où l'on lisait sans peine la tristesse et la déception. Elle sembla vouloir avancer vers lui, mais elle se ravisa et se contenta de dire :
« Je pensais que cette fois, tu tiendrais ta promesse, je ne peux plus continuer à accepter ça Yoongi. J'ai peur pour toi, mais je n'arrive plus à te soutenir, ne compte plus sur moi pour assurer tes arrières, maintenant si tu continues à foutre ta vie en l'air débrouille toi, c'est ton problème. »
Son expression se voulait dure mais ses yeux étaient brillants et son menton tremblait de manière à peine perceptible, mais assez pour que Yoongi le remarque.
Il l'écouta sans broncher, sans être touché par ses mots. Il le serait peut-être plus tard, mais sur le moment il ne parvenait pas à se sentir désolé pour sa sœur. Ce n'est pas la première fois qu'il lui promettait qu'il ferait des efforts, que tout allait s'arranger et qu'il retournerait à la fac, sans y croire, juste pour avoir la paix. Visiblement c'était la fois de trop.  Vérifiant qu'elle avait terminé de parler, il se détourna, et regarda dans la direction opposée, le bout du couloir, la porte de sa chambre, et finalement il se dirigea vers sa sœur, s'arrêta devant elle, écarta doucement son épaule et la contourna, avant de dévaler l'escalier sans jeter un seul regard en arrière. Elle voulut protester mais se ravisa et se contenta de le regarder partir d'un air las. Il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait mais il était convaincu que c'était ce qu'il voulait faire. Sa respiration s'accéléra lorsqu'il traversa le salon, et passa la porte d'entrée, toujours avec l'esprit et les jambes en compote. Il entendit finalement sa sœur lui crier de revenir, et dévaler les marches à sa poursuite, mais lorsqu'il dépassa le perron de la résidence, il ne peut pas s'empêcher de jeter un regard en arrière. Il sent le doute planer au-dessus de lui, mais il n'a pas le temps pour ça. Alors il se retourne et il se met à courir aussi vite que ses jambes peuvent le permettre.
Ce fut la dernière fois qu'il vît son chez lui, et ce fut la dernière fois qu'il vît sa sœur.

La bourrasque ambulanteWhere stories live. Discover now