À nos âmes brisées

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Du sang, de la poussière, du mouvement, partout autour de moi. Depuis trois jours et deux nuits, la bataille faisait rage et chaque fois que le soir tombait c'était le même spectacle qui s'offrait à mes yeux ; des dizaines, non... Des centaines de guerriers de toutes espèces revenaient du front, fatigués, assoiffés, les yeux vides et le corps blessé. Mais tous, à mon plus grand étonnement, gardaient au fond d'eux cette étincelle vive, l'espoir de retrouver la liberté perdue depuis trop longtemps. L'espoir de mettre fin aux agissements de notre seul ennemi commun à jamais.

Je me sentais profondément inutile. Feyre refusait que je parte me battre avec tous ces gens, elle craignait que je ne sois grièvement blessé après un combat et que cette guerre ait raison de moi. Elle ne voulait pas perdre "l'âme sœur" de sa sœur. Cette pensée me faisait presque ricaner d'ironie. Comment pouvait-on dire que j'étais l'âme sœur de quelqu'un qui paraissait m'éviter ou renier complètement mon existence quotidiennement ? Le pire, c'était que je n'arrivais même pas à lui en vouloir, comment le pourrai-je ? Je me contentais donc, chaque jour, de la regarder de loin lorsqu'elle passait dans le champ de ma vue. Je m'assurai qu'elle reste en sécurité et qu'elle ne soit pas importunée, c'était le moins que je puisse faire. Mais de mon côté, cette situation me détruisait intérieurement. Voilà des dizaines d'années que j'attendais de connaître, d'espérer l'existence de mon âme sœur, pour découvrir qu'elle ne m'accepterait jamais.

À présent j'avais besoin de temps pour avaler ce fait et me préparer au jour où elle couperait définitivement le faible lien qui nous unissait. J'avais toujours entendu dire que cette pratique procurait une douleur immense aux personnes concernées mais bizarrement ce n'était pas ce qui m'effrayait le plus. En revanche, les conséquences de son refus me terrifiaient. Ne vivrai-je jamais avec une personne vivante et qui m'aimera ? Je serrai la mâchoire en repensant à ce jour terrible où j'étais censé dire oui à la personne que j'aimais par-dessus tout. Maintenant elle est morte et la seule personne qui avait le pouvoir de m'en guérir s'apprêtait à enfoncer le poignard jusqu'à la garde.

Je secouais la tête en soupirant, la nuit tombait, c'est pourquoi il y avait tant d'action autour de moi. Comme à mon habitude, j'allais aller aider les médecins à soigner les blessés. Je n'avais pas le droit d'aller me battre alors autant aider comme je le pouvais.

Je marchais donc entre les tentes pour rejoindre un des camps de soin et remarquai les troupes illyriennes rentrer des combats. Même couvert du sang de leur victime et les cheveux décoiffés, ils gardaient une classe et une élégance hors pair. Ils étaient devancés par Rhysand et Cassian qui les saluèrent avant de se diriger vers les tentes des grands seigneurs pour rejoindre sans doutes Feyre qui devait se faire un sang d'encre pour son compagnon. Je les suivis furtivement des yeux avant de reprendre mon chemin vers le camp des soldats.

Je ne mis pas bien longtemps à retrouver Sérym, le guérisseur des troupes Illyriennes.

– Tu as besoin d'aide pour ce soir ? L'Illyrien aux cheveux grisonnant me regarda avec considération.

– Bonsoir Lucien, je te remercie mais ce soir je ne suis pas submergé, ils n'ont eu que des blessures partielles qui seront facilement soignées. Tu peux vaquer à tes occupations pour ce soir.

J'acquiesçai doucement. Je n'ai pas vraiment grand-chose d'autres à faire... Mais il était vrai que ce soir-là, les tentes de soins n'étaient pas pleines à craquer contrairement à d'habitude.

– Très bien, bon courage Sérym. Et je me retirais, pour le laisser travailler.

Je sortais de la tente les mains dans les poches. Qu'allais-je pouvoir faire ce soir ? Je n'avais aucune envie de rejoindre Feyre et sa famille parfaite. Je ne la détestais pas, loin de là, bien au contraire, j'étais heureux pour elle d'une certaine manière. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle avait tout ce que je désirais et que jamais je n'aurais.

À nos âmes brisées (ff OS ACOTAR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant