Chapitre 2

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Le vendredi arrivé vite, alternant entre longues journées au travail, la salle de sport, et le peu d'heures de sommeil que je grappillais par-ci par-là. Huit heures du matin, j'étais fidèle au poste. Je commençais normalement à neuf heures, mais je ne savais pas quoi faire d'autre. D'abord, je débutais par un café, puis je m'installais. J'aimais le calme de l'aube, nous étions que trois dans l'agence, donc le silence régnait. J'enregistrais facture après facture, je n'avais jamais constaté avant de bosser ici qu'il y avait autant de charges. La société de Kate comptait un nombre incalculable d'immeubles. Elle avait racheté cette compagnie grâce à un héritage, et depuis elle ne faisait que de l'agrandir. Quand Mylène arriva comme toujours elle m'amena un café et se posa dans mon bureau quelques minutes.

— Bien dormi ? dit-elle en s'installant sur la chaise en face de moi.

— Oui, oui, et toi ?

Mes collègues étaient tous au courant de mon agoraphobie et il y en avait toujours un qui me raccompagnait à ma voiture quand je partais. Je devais remercier Kate pour cela aussi. J'avais voulu le garder pour moi, mais à mes débuts ici, en allant à mon véhicule j'avais fait une grosse crise d'angoisse et ma patronne ne m'avait plus laissé le choix. Alors bien entendu personne ne savait pourquoi, et je ne comptais pas leur raconter. J'estimais malgré tout qu'ils en savaient assez. Même si Mylène était une amie, elle ne connaissait rien de mes problèmes de sommeil, ou bien de mes tocs. C'était aussi un peu pour cela que je souhaitais rencontrer mon âme sœur, pour ne plus jamais me retrouver seule. J'avais conscience que ce n'était pas une solution, mais pour moi si, j'en avais besoin.

— Super... Mais toujours pas d'infos sur Mike ! On a passé la nuit ensemble près de la falaise, mais rien n'a fuité !

— Ce n'est que partie remise !

— Oui, j'ai quelque chose pour toi, tiens !

Elle me tendait un papier avec une adresse et une heure de rendez-vous pour cette après-midi... Je la regardais, un sourcil levé, lui demandant des explications.

— J'ai appelé mon amie, tu sais la formatrice de « rencontre », elle accepte de te recevoir dans son bureau ! Tu vas pouvoir lui poser toutes les questions possibles ! Ah, et ne le crie pas sur tous les toits... C'est un service qu'elle me rend.

Je la remerciais et elle s'éclipsa dans son office. Je voulais prendre rendez-vous, mais il y avait plus d'un an d'attente, alors j'avais laissé tomber. Je me demandais déjà comment j'allais gérer ce rendez-vous... J'avais de plus en plus de mal à rester concentrée. J'espérais des réponses de cet entretien, mais si elles étaient mauvaises... Heureusement que je dinais chez Kate ce soir, elle saura me remonter le moral. En patientant, je continuais mon travail, la tête plongée dans les chiffres, j'évitais de trop penser. Je me sentais fatigué et mon ventre me rappelait que je n'avais pas mangé la veille. Un coup d'œil sur l'heure, à peine onze heures. Je devais seulement tenir jusqu'à midi. Je me souvenais aussi que mon frigo était vide, et que je devais me rendre au magasin. Mon cœur s'emballa à cette seule pensée. Kate me proposait toujours d'y aller avec, mais je ne pouvais pas me cacher tout le temps derrière elle. Je devais saisir mon courage à deux mains.

J'avais bientôt trente ans et je ne pouvais quasiment rien faire seule, et je cherchais une solution pour cette après-midi. Je prenais constamment mes dispositions pour organiser tout le matin comme ça ma patronne m'accompagnait. Mais je n'avais pas le choix, avoir ce rendez-vous relevait déjà du miracle. Midi pile, j'éteignis mon ordinateur, de toute façon je n'étais pas concentrée. Je me dirigeais dans le bureau de Mylène, mais elle n'avait pas fini. Elle me proposa de m'escorter jusqu'à ma voiture et de revenir ici, mais je refusais. Elle me laissait partir non sans s'inquiéter. Je lui promettais alors de lui écrire une fois derrière le volant. Je prenais l'ascenseur et mon cœur s'accéléra à nouveau. Je me répétais en boucle que mon véhicule n'était qu'à deux minutes. Je sortais dans la rue, et vérifiais des deux côtés avant de lâcher la porte. L'air frais ne suffisait pas à me ressaisir et je me sentais suffoquer. La main sur la poitrine j'entamais mes premiers pas, je me retournais toutes les deux secondes pour être sûre de ne pas être suivi. Nerveuse, je commençais à courir, les passants devaient me prendre pour une folle, mais je m'en moquais. En quelques secondes j'étais dans ma voiture et je me maudissais de ne pas avoir sortir mes clés avant. Je pestais contre mon sac, qui avait décidé de me faire galérer un peu plus longtemps. Je ne les trouvais pas, et je sentais la crise d'angoisse pointer le bout de son nez. Instinctivement, je mettais ma main dans ma poche pour me saisir de ma bombe lacrymogène. Mes doigts rencontrèrent un objet métallique et le soulagement devait se lire sur mon visage. Avec beaucoup de difficulté, je réussissais à déverrouiller ma portière. Je la refermais aussi rapidement que possible une fois à l'intérieur et j'appuyais sur la centralisation. Je prenais le temps de calmer ma respiration tant que je me sentais en sécurité et je finissais par démarrer. Finalement, je ferais les courses le lendemain.

Le rêve de la rencontreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant