Chapitre 49 « Un nouveau souffle »

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Chapitre 49 « Un nouveau souffle »

 

« Mon père va brûler, réduisant son corps, sa vie, ses souvenirs à de la poussières contenue dans une urne. Et c'est seul devant l'autel de cette Église, que je laisse tous les souvenirs qu'il me reste de lui, s'échapper en fumé. »

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Les jours passent, le vent souffle toujours aussi fort et le soleil brille toujours aussi haut dans le ciel. Ici rien a changé. Si ce n'est cette urne que je vois tous les matins dès que j'ouvre les yeux. Si ce n'est cette peine qui remplit mon être tout entier dès que ma conscience reprends vie. Je voudrais pouvoir dormir pour oublier à jamais. Que j'aime perdu un père, et un homme qui m'aimait.

Aujourd'hui il est tant que je me bouge, j'ai passé les derniers jours à me tourner et me retourner dans les fin fond de mes draps en repensant à tous ces tourments qui m’accablent. Le silence que j'y trouve m'apaise de toutes les façons qu'il est possible de le faire mais c'est aussi dans ce silence si lourd et pesant que je pense à toutes ces choses que j'ai échouées et qui me rendent d'avantage coupable.


Un seul prénom revient sans cesse. Lizzie. Elle me manque, bien plus que je ne l'aurais cru. Mais j'ai pris une décision et il faut que je m'y tienne. Au moins le temps que je règles les derniers soucis qui partagent ma vie.

Ces derniers temps les événements ont pris une toute autre tournure de ce que j'avais imaginé. Je me suis un peu laissé vivre sans jamais prendre de réel décision décidée. J'étais toujours guidée par l’instinct, mes sentiments et mon ressentis sur le coup. J'agis, puis je réfléchis. Avec l'instinct on a toujours l'impression d'agir correctement. Mais quand on prend un peu de recule, quand on y pense à deux fois, souvent, on se rend compte qu'on a fauté. Et parfois les fautes sont impardonnables.

Je me sens coupable. Parce que j'ai tout envoyé valser après la mort d'Adrien. Je ne voulais plus côtoyer quelqu'un qui serait capable de me faire souffrir comme jamais de nouveau. Je ne voulais plus rien ressentir, je ne voulais plus jamais avoir aussi mal au cœur et ce vide béant qui vous bouffe de l'intérieur et vous donne cette impression d'être de trop. D'exister sans que tout cela n'ai de sens.

Je voulais pouvoir avoir le temps de reprendre mes esprits.
Je voulais pouvoir réapprendre à respirer sereinement.
Je voulais pouvoir enlever ce poids de mon cœur.

Lizzie a fait les frais de toutes ces choses dont j'avais besoin. Mais, sans pour autant vouloir paraître égoïste, je penses que c'était l'une des meilleures choses à faire. Il fallait que je reste seul, sinon j'aurais tout détruit sans concession. J'aurais fait du mal et je serais redevenu cet être dévastateur capable de tout sans jamais ne rien regretter. Parfois, quand les circonstances s'imposent, les vieux démons refond surface. Et pour ma sécurité, mais d'avantage pour celle de Lizzie, je pense qu'il était raisonnable de tout laisser derrière moi. Quelques fois les choses s'imposent et même si on ne le souhaite pas, elles restent et il est difficile de les faire s'en aller. C'est un peu comme la douleur. Elle survient sans qu'on s'y attende, nous possède le temps qu'elle désire et repart comme elle est venue, sans crier gare.

                                                                * * *

Mes mains se crispent sur l'urne alors que tante Rose éteint le contact. Je contemple la descente forestière et le lac qui s'étendent devant moi. Je suis revenue dans mon petit coin de paradis où je viens dès que rien ne va plus. Où j'ai emmené Lizzie. Où j'ai découvert le secret d'elle et Samy.


J'y ai quelques un de mes plus beaux souvenirs et je pense que c'est dans cette havre de paix que devrait reposer mon père. Je sais que le vent dispersera tout se qu'il reste de lui au fond de cette boite. Mais j'ai espoir. Espoir qu'en s'envolant il s'en aille pour de bon, l'esprit libre et tranquille. J'ai l'espoir qu'il trouve enfin le bonheur qu'il n'a jamais connu. Peut-être que l'au delà existe, peut-être qu'il y a une vie après la mort. Une vie simple et sans embûches. Une vie de calme et de sérénité. Du moins je l'espère, du plus profond qu'il est possible de le faire.

Les cendres volent et virevoltent avec la brise qui me rase les mollets et chante dans le creux de mes oreilles. Ma vue se trouble l'espace d'un instant puis elle redevient nette après un clignement d'oeil. J'ai toujours détesté les aux revoir. Je déteste encore plus les adieux.

                                                                * * *

Mon cœur tambourine dans ma cage thoracique alors que l'urne vide roulotte aux creux de mes pieds à cause des tressautements de la voiture. Tante Rose est bien silencieuse en cet instant alors que j'aurais besoin de l'entendre me parler, même pour des choses futiles. Son rire me manque et sa vivacité aussi. Mais je sais qu'elle vient de perdre son frère, et moi j'ai perdu mon père.
Mais il faut que je me batte, justement parce que la vie est trop courte. Et qu'après la mort, malgré son atrocité, son injustice et sa violence, la vie continue. Toujours.

                                                                * * *

C'est, décidé, que je sors de la voiture. Pourtant mes jambes tremblent encore sous le poids de la tâche que je viens d'effectuer.

Une voix résonne dans ma boîte crânienne pour me déculpabiliser alors que je sais très bien que c'est de ma faute. Je sais que ce jour là j'étais beaucoup trop sur de moi et déterminé pour imaginer ne serait-ce qu'un instant ce qu'il pourrait se produire. J'ai agit bêtement, comme de coutume lorsque cela a un rapport avec Jack. J'ai beau être le plus équilibré des hommes, avec lui, n'importe où, mes sens s'emballent et ma raison perds pieds. Plus aucun degré de risque ne peut m'atteindre. Je me sens conquérant, impérissable. Et j'ai tort, parce que si cela continue, je risque sincèrement de tout perdre, une bonne fois pour toute.

                                                                * * *

J'ai une idée bien en tête. Parce qu'il y a beaucoup trop d'informations qui trottent dans ma tête et si je ne fais pas le vide d'ici peu, j'ai peur qu'elle implose. Et que j'implose avec elle.

Je monte les marches de l'escalier qui mène à ma chambre trois par trois. Je n'ai vraiment aucune seconde à perdre. Une fois au milieu du désordre de ma chambre, j'enjambe les piles de détritus et vêtements afin de remettre la main sur le petit biper qu'Adrien m'a donné. C'est un tout petit boîtier muni d'une led qui s'éclaire quand j'envoie un signal au bras droit de mon père. Normalement, si tout fonctionne comme il me l'a expliqué, Dan, cet homme mystérieux en qui je dois avoir une « confiance aveugle » selon Adrien, se débrouillera pour m'appeler dans les minutes qui suivent. Je ne sais pas trop si je dois y croire, parce que tout cela me rappelle bien trop les films d'action à l'américaine. Mais je fais confiance à mon père et ce petit boîtier « top secret ».

Lorsque je remets la main dessus, c'est au tours de mon téléphone de jouer à cache-cache. Comme si ma patience n'avait aucune limite atteignable. Et pourtant.

J'arrache mon fixe de sa base et compose mon numéro. Mon téléphone sonne, dans un bruit de vibreur et d'Artic Monkeys Do I Wanna Know, étouffé.
Je soulève les affaires disposées un peu partout sur le sol, marchant sans m'en apercevoir jusqu'à la salle de bain.
C'est au fond de la baignoire, que je retrouve mon Blackberry tout cabossé, prêt à rendre l'âme d'une minute à l'autre. Mais ce n'est pas le moment.

Une fois mes deux outils indispensable en main, je presse le bouton « d'appel » et la led s'allume l'instant suivant. J'ai a peine le temps de relâcher la pression de ma main que mon téléphone vibre dans l'autre.

-Allo ?

-Bonjour, ici Dan à l'appareil, je suppose que vous être Kyle, le fils d'Adrien. Mes sincères condoléances.

Mon cœur fait un râté tandis que ma gorge se serre, j'ai toujours détesté que l'on me « souhaites » des condoléances, je trouve ça morbide.

-Hum...oui, enfin, je ne vous appelais pas pour discuter de mon père. Le temps presse maintenant. Adrien m'a dit que je pouvais vous faire confiance. A-t-il eu tort ?

-Non Monsieur.

-Bien, alors il me semble que j'aurais besoin de vous. Enfin, d'un de vos petits services plutôt.

-Je vous écoute Monsieur.

-Kyle, appelez moi Kyle. Il s'agirait d'expatrié un de vos détenus.

-Jack Pasteur Monsieur ?

-Tout juste. Est-ce que se serait possible ou trop d'hommes le surveillent pour que cela passe inaperçu ?

-Mmmmmh... Non. Je suppose que c'est réalisable. Il me faudra juste un peu de temps.

-Le problème, c'est que je n'en ai plus.

-Bien, je ferais de mon mieux. Vous avez un lieux particulier où vous souhaiteriez que je vous l'emmène ?

-Non. Mais je souhaiterais un endroit sur. Où les cris les plus inhumains ne dérangent personne. Je veux que tout ça reste secret. Mettez le moins de personne au courant. Mais restez tout de même vigilent. On est jamais trop prudent comme on dit, et mon père en a fait les frais. Quelques hommes pour nous assurer une bonne sécurité ne serait pas de trop.

-Bien, je vois. Je passerais vous prendre demain. Je m'occupe de tout, ne vous inquiétez pas.

Sur ces mots, la voix au bout du fil s'éteint. Cette voix grave, froide et tranchante. Je ne sais pas encore à qui elle appartient. Mais je suis persuadé que se sera quelqu'un de tout à fait bien pour ce qu'il m'attends demain.

A bientôt Jack. Le Niño est loin d'avoir dit son dernier mot.

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