Printemps

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Cela ne faisait que quelques mois qu'ils s'étaient rencontrés, mais ils vivaient une véritable passion. Une histoire d'amour, pensez-vous ? Et bien, non. 

Alors qu'ils s'entendaient sur de nombreuses choses, qu'ils avaient des objectifs communs et des centres d'intérêts partagés, arriva ce fameux soir, où tout a basculé. 

Lui, avait de nombreux amis, et elle, n'appréciait pas réellement la compagnie de la plupart des gens, mais lorsqu'il l'invita à une soirée, accompagné de ses amis, c'est avec un réel enthousiasme, et néanmoins quelques angoisses, qu'elle accepta. Elle avait en effet une forte volonté d'apprécier son entourage, et plus encore, envie d'être estimée par cet entourage. 

C'est alors que, comme un vendredi sur deux, la jeune parisienne s'installa au volant de sa voiture, boucla sa ceinture, rechercha l'itinéraire sur son téléphone rapidement, et mis en route sa playlist du moment. 

Elle arriva sur place trois heures plus tard. Se donnant un air romantique, il lui ouvrit la portière, l'enlaça avec douceur, puis l'aida à porter ses nombreuses affaires jusqu'à sa chambre. Le salon était aménagé différemment. La table avait été mise près du mur et était pleine de chips et de confiseries ; les chaises et le canapé étaient eux aussi plus près des murs, ce qui laissait davantage de place aux futurs invités pour déambuler. 

Elle salua au passage les nombreux chats de son amoureux, ainsi que ses parents, et déposa ses sacs. Ils ne s'étaient pas vus depuis seulement quelques jours, mais ils ressentaient le besoin de s'allonger quelques instants l'un contre l'autre. Elle prit une dizaine de minutes pour se changer et se remaquiller avant d'aider son compagnon à régler les derniers détails de l'organisation.

Les invités arrivèrent les uns après les autres et tout le monde passait une bonne soirée. L'alcool coulait à flot, mais personne ne semblait être dans un état excessif. Il passa la soirée à aller de groupes en groupes, afin de ne laisser personne de côté, et revenait régulièrement auprès d'elle pour la câliner furtivement. Quant à cette dernière, elle avait sympathisé avec l'un de ses amis qu'elle n'avait jamais vu auparavant. 

La soirée touchait à sa fin, tout deux se mirent en pyjama afin de se coucher, tandis que les derniers survivants discutaient tranquillement dans le canapé du salon. Arrivé dans sa chambre à l'étage, elle se rendit compte qu'elle avait oublié son téléphone, probablement dans le salon. 

_ Dépêchons-nous de le trouver, il faut qu'on commence notre expérience, dit-il de sa voix grave et douce.

Elle acquiesça. Ils descendirent main dans la main à la recherche du téléphone. Les quelques rescapés étaient tellement concentrés dans leur conversation qu'ils ne remarquèrent pas leur présence. Après quelques minutes d'investigation, ils remontèrent. 

Il s'immobilisa face à elle, la regarda tendrement dans les yeux, puis la souleva et l'installa sur le lit. Il retira son pantalon de pyjama pour qu'elle puisse être plus à l'aise. Elle se retrouva vêtue d'un simple t-shirt XXL qui lui faisait d'avantage office de robe. C'est à ce moment là qu'il se mis à sortir tout un tas d'objets qu'elle n'aurait su identifier. Un ordinateur, certainement, et tout un tas d'ustensiles technologiques. Elle était d'abord excitée à cette expérience, mais à la vue d'une seringue, une légère panique s'immisça. 

Il l'avait sans doute remarqué puisque quelques secondes après, il ouvrit enfin la bouche. 

_ Tu sais que je t'aime, et que je n'ai pas envie de te faire du mal. Mais je n'ai pas le choix. 

Sa voix, de son naturel grave, n'était plus si douce. Elle était dure, monocorde, dénuée d'émotion. Elle acquiesça sans dire un mot. Alors qu'il approcha la seringue de son bras, elle se concentrait sur lui. Ce visage immuable ne ressemblait plus à celui qu'elle aimait tant. Elle continua de le fixer tandis que l'aiguille s'insérait dans son bras, car elle cherchait un soupçon de réconfort tandis que la douleur s'éveillait. Elle avait l'impression de sentir le liquide translucide et froid parcourir ses veines le long de son bras, dans sa paume, puis au bout de ses doigts qui commençaient à se raidir. Son bras entier se raidissait au fur et à mesure que le produit se baladait dans son corps, tandis que sa peau, déjà pâle de nature, s'éclaircissait encore. Ses veines resortissaient de plus en plus alors que sa peau prenait une couleur violacée. 

C'est lorsque le froid s'immisça dans sa poitrine que la panique s'installa. 

En une seconde, sans qu'elle ne le décide, elle retira violement les mains de son compagnon de son bras, ce qui eu pour conséquence qu'il lâcha la seringue, qui tomba entre ses jambes nues. Elle ne semblait plus être maîtresse de son corps lorsqu'elle saisit l'instant de doute de son homme pour se lever et s'échapper en courant. Elle courrait le long du couloir, qui semblait tellement plus long que d'habitude, jusqu'aux escaliers. Arrivée en bas des marches, elle tenta de hurler afin d'obtenir de l'aide, mais personne ne semblait ni l'entendre ni la voir. C'était comme dans un mauvais rêve, elle avait l'impression de ne pas pouvoir courir plus vite, et les personnes qui l'entouraient étaient aussi floues que de vieux souvenirs. 

Chaque pièce et chaque couloir lui donna la sensation d'être dans un labyrinthe, où aucune des portes ne menaient à la sortie. Après ce qui lui semblait être des heures, mais qui n'étaient que des secondes, une porte en verre s'ouvrit sur le jardin. Elle continuait de courir, ses pieds nus sur le gravier, puis sur l'herbe humide et fraiche. Arrivée près de la cabane au fond du jardin, non sans avoir manqué de tomber à plusieurs reprises sur le sol glissant, elle décida de se cacher derrière et non dedans. Elle s'arrêta enfin, tenta de respirer profondément et de se calmer, mais rien y faisait. Au bout d'une minute ou deux, elle entendit une porte grincer. Celle qui donnait sur le jardin, qu'elle avait empruntée quelques minutes auparavant.

Elle ferma les yeux et essaya de se concentrer sur les bruits. Elle entendit des chaussures trainer sur le gravier, puis, plus rien. 

Elle se risqua à jeter un œil furtif. C'était bien lui, qui s'aventurait dans l'herbe, en direction de la cabane où elle était cachée. Il avançait lentement, le visage toujours aussi impassible. Lorsqu'il atteint l'entrée de la cabane, qu'elle entendit la porte s'ouvrir et l'interrupteur s'enclencher, elle se remit à courir à tout vitesse vers la maison. Elle se concentrait sur ses propres pas, pour ne pas glisser sur l'herbe ruisselante, mais, aussi effrayée était-elle, elle ressentit la douleur de plein fouet lorsqu'elle marcha sur un objet tranchant. En boitant, elle continuait sa course effrénée vers la porte en verre, laissant derrière elle ses empruntes de pas ensanglantées. Une fois atteinte, elle l'ouvrit, entra dans la maison, et la ferma a clé. 

Elle le vit s'avancer vers cette même porte, tandis qu'elle reculait, tout en le fixant. A chaque pas, elle sentait la douleur s'intensifier dans son pied gauche. Elle avait atteint le mur derrière elle lorsqu'il agrippa la poignée qu'il actionna dans le vide. Il tira la manche de son pull afin de se couvrir le poing, puis donna un coup sec dans la porte vitrée, au dessus de la poignée. Elle se remit à courir, passant devant ces personnes inanimées qui semblaient ne pas la voir ni l'entendre, laissant des marques de sang sur chacune des marches qu'elle grimpait. 

Elle entra dans la chambre, celle-là même où elle avait passé de nombreux moments merveilleux avec ce garçon qui à cet instant l'effrayait tant. Elle ferma a clé derrière elle, retira la clé, comme ci cela pouvait l'empêcher de défoncer la porte, et la garda précieusement dans ses mains. Elle s'éloigna de la porte à reculons, en essayant de percevoir chaque son qui venait de l'extérieur de cette chambre. Elle manqua de tomber lorsque son pied blessé heurta un objet cylindrique et froid. Puis, lorsque son dos entra en contact avec un mur, elle tenta à nouveau de prendre une respiration normale. Un mouvement brusque contre la porte, qui provoqua un son venu des Enfers, la fit sursauter. Elle poussa un hurlement aigu, qui atteint une note qu'elle n'avait probablement jamais atteint auparavant, et qu'elle n'atteindra jamais plus. Elle se laissa tombée contre le mur lorsqu'un deuxième coup fut porté contre la porte. Sa respiration était saccadée, mélangée à de nombreux sanglots silencieux. Elle serra d'autant plus sa clé lorsque le troisième coup fut porté, puis le silence. 

Elle entendit le grincement d'une porte, mais pouvait voir que celle qui était en face d'elle n'avait pas bougé. 

_ Qu'est ce qu'il se passe ici ? dit une voix endormie. 

Elle reconnue la voix de sa belle-mère. 

_ Rien, je vais me coucher. Bonne nuit, maman.

Elle fut à nouveau bercée par cette voix qui était redevenue douce. Elle se releva, avança d'un pas sûr vers la porte, oubliant les larmes qui avaient déjà séchées, la plaie qui avait cicatrisée sans laisser de trace, ses mains toujours agrippées à cette petite clé. 

Elle respira doucement, inséra la clé dans la serrure, la tourna doucement et releva la tête. Elle plongea son regard dans le sien, qui n'était ni dur, ni impassible, puis elle sourit. 


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