Take a shot, don't think

Chapitre 11

Taeyong finit par régler son achat tirant un billet violet froissé de sa poche sous les yeux interloqués de Jaehyun qui avait vu ce genre de coupon seulement dans les films. Sortant du magasin, il hésite à lui proposer d'aller boire un verre mais l'oméga lui coupe l'herbe sous le pied :

" Ci-mer pour la veste, je vais devoir y aller, j'ai encore du boulot.

- Ah...ok bah à la prochaine, bégaye quelque peu Jaehyun pris de court.

- Espérons-le, lui répond narquois l'autre."

Et sans plus de cérémonie, il le salue dans une parodie militaire, les deux doigts sur la tempe et se tire d'une démarche assurée, sa veste singulière sur ses épaules fièrement redressées.

Jaehyun comprend alors que Taeyong n'a de rendre de compte à personne encore moins à lui. Il reste tout de même déçu ne pas pu avoir vu l'oméga plus longtemps. Et après réflexion, il regrette presque de lui avoir redonné sa veste ne pouvant plus se gorger de son odeur à souhait. Une voix le tire de sa réflexion. Sursautant, il se rend compte que l'oméga à fait demi-tour :

" Finalement tu veux venir avec moi ? Comme ça tu pourras voir par toi-même à quoi est confronté un oméga.

- Heu...

- Décide toi j'ai pas toute l'aprèm.

- Ok je te suis.

- J'aime mieux ça."

Jaehyun emboite le pas du rouge et ils se dirigent vers la première station de Rer. Assis et silencieux, il met ses écouteurs face à un Taeyong piquant du nez. Le trajet est long et le train s'enfonce de plus en plus au fond des banlieues sombres ou personne, à part ceux qui y habitent, n'y mettent les pieds. Le temps passe, le soleil décline. Il balaye d'un regard la population qui se trouve dans leur wagon. Beaucoup d'omégas à l'air épuisé, quelques bêtas mais les seuls alphas présents tiennent plus du voyou que du salarié. Bientôt les grands barres hlm se dressent sur le côté cachant le soleil d'hiver couchant. Partis à 17 heures, ils descendent à 19 heures à l'arrêt de Taeyong. Sortant de la gare, il passe un coup de fil et lui indique qu'ils doivent attendre. L'oméga se frotte les yeux, et sort machinalement son paquet de cigarettes. Une flamme déchire l'obscurité dévoilant ses cernes creusées. Il fume lentement comme si à chaque expiration drainait la fatigue de son corps. Jaehyun n'a toujours rien dit. Dix minutes plus tard, un crissement de pneus lui fait tourner la tête. Taeyong laisse tomber sa clope au sol et l'écrase du bout du pied. Une Audi RS5 s'arrête devant eux et la fenêtre côté conducteur se baisse. Avec surprise, Jaehyun reconnaît le barman de la soirée qui sort de la voiture, un bandeau noir scindant sa tête et son piercing sous la joue scintillant grâce aux deux diamants en fermoir. D'un tchek bref, il le salue :

" Yo Tae.

- Salut Ren, merci d'avoir ramené ma bagnole. Sung est avec toi ?

- Ouais il est à l'arrière, pointe du doigt l'autre oméga. Puis il lève la tête et fixe interrogateur Jaehyun. Qu'est-ce qu'il fait là lui ?

- Je l'ai emmené pour qu'il constate par lui-même.

- Je vois, qu'il reste tranquille alors ici c'est pas les jeux pour enfants."

Jaehyun se retrouve alors dans la bagnole à l'arrière, assis à côté d'un oméga pensif à l'odeur acidulée de coquelicot qui mange un kebab. Taeyong fait vrombir le moteur et le tremblement de celui-ci se répercute sous leurs pieds à travers le plancher. Il démarre sur les chapeaux de roue laissant la voiture bondir sur la route goudronnée. Les lumières défilent se fondant les unes dans les autres alors que les enceintes crachent un rap sombre qui les enveloppe d'une chape ténébreuse. Les deux omégas à l'avant enfument l'habitacle hochant la tête au rythme de la voix caverneuse du rappeur. Le ciel est noir et seul les rares lampadaires en état trouent le voile de la nuit de leurs faisceaux blanc artificiels. Ils s'enfoncent dans les tréfonds de cette banlieue inquiétante où les âmes errent en quête d'un futur plus radieux. Taeyong, passeur des Enfers, entouré de ses acolytes, roule en direction d'un endroit délaissé par les Dieux eux-mêmes. Dans la pénombre, ses yeux uniques tranchent l'atmosphère vaporeux dans un contraste saisissant. Le bleu de ses prunelles devenu glace sonne le glas d'une fin divine et annonce la venue du vieux Chaos synonyme d'un destin funeste où tous font face, égaux, à la sentence. Il plonge ses mains trempées de joyaux dans le velours sombre de la nature humaine, des sentiments trahis qui sentent le vin et les cigares, lourde fragrance des jours impunis.